The Project Gutenberg eBook of Hic et Hec This ebook is for the use of anyone anywhere in the United States and most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this ebook or online at www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you will have to check the laws of the country where you are located before using this eBook. Title: Hic et Hec Author: comte de Honoré-Gabriel de Riqueti Mirabeau Release date: October 7, 2008 [eBook #26807] Most recently updated: January 4, 2021 Language: French Credits: Produced by Daniel Fromont *** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK HIC ET HEC *** Produced by Daniel Fromont [Transcriber's note: MIRABEAU (Honoré Gabriel Riquetti, comte de Mirabeau) (1749-1791), Hic et Hec (1798), édition de 1921 A French erotic novel of the 18th Century] LES MAITRES DE L'AMOUR L'oeuvre du Comte de Mirabeau (...) Hic et Hec, ou l'art de varier les plaisirs de l'amour (...) PARIS BIBLIOTHEQUE DES CURIEUX 4, RUE DE FURSTENBERG, A MCMXXI Hic et Hec Je dois le jour à une distraction d'un R. P. jésuite d'Avignon, qui, se promenant avec ma mère, blanchisseuse de la maison, quitta dans l'obscurité le sentier étroit qu'il parcourait d'ordinaire en faveur de la grande route qui lui était peu familière. A peine avais-je six ans que sa tendresse paternelle me fit admettre par charité dans les basses classes; j'y rendais tous les services qu'on pouvait attendre de mon âge, et grâce aux heureuses dispositions dont la nature m'avait doué, je profitai; à douze ans, je pus balayer la troisième et faire les commissions du père Natophile, qui en était régent. J'étais précoce en tout, ma taille était élancée et svelte, mon visage rond et vermeil, mes cheveux châtain-brun et mes yeux noirs, grands et perçants me faisaient paraître plus âgé que je n'étais: on me prenait pour un enfant de quatorze ans. La bassesse de mon origine, la pauvreté de ma parure, m'avaient éloigné de toute intimité avec mes camarades de classe, et par conséquent de la corruption, et je donnais tout mon temps à l'étude. Le régent, satisfait de mes progrès, me prit en affection, me chargea du soin d'arranger sa chambre, de faire son lit et de lui porter tout ce dont il avait besoin; et pour ma récompense, il me donnait des leçons particulières après la classe, et me faisait lire dans sa chambre des auteurs qu'on n'explique pas en public. Un jour, j'avais plus de treize ans alors, il me tenait entre ses jambes pour me suivre des yeux dans l'explication de la satire de Pétrone; son visage s'enflammait, ses yeux étincelaient, sa respiration était précipitée et syncopée; je l'observais avec une inquiète curiosité qui, divisant mon attention, me fit faire une méprise. -- Comment, petit drôle! me dit-il d'un ton qui me fit trembler, un sixième ne ferait pas une pareille faute; vous allez avoir le fouet. J'eus beau vouloir m'excuser et demander grâce, l'arrêt était prononcé; il fallut bien me soumettre. Il s'arme d'une poignée de verges, me fait mettre culotte bas, je me jette sur son lit, et de peur que je ne me dérobe au châtiment, il passe son bras gauche autour de mes reins, de façon que sa main empoigne un bijou dont j'ignorais encore l'usage, quoique sa dureté momentanée, depuis plus d'un an, m'eut donné à penser. -- Allons, petit coquin, je vais vous apprendre à faire des solécismes. Et il agite légèrement les verges sur mes jumelles, de manière à les chatouiller plutôt qu'à les blesser. La peur ou le doux frottement de sa main fit grossir ce qu'il tenait. -- Ah! petit libertin, qu'est-ce que je sens là? Ah! vous en aurez d'importance. Et il continuait la douce flagellation et ses attouchements, jusqu'à ce que, enivré de volupté, un jet de nectar brûlant couronnât ses efforts et comblât ma félicité. Alors, jetant les verges: -- Ferez-vous plus attention une autre fois? -- Ah! je ne le crois pas, mon père, il y a trop de plaisir à être corrigé de votre main. -- Tu me pardonnes ma colère; eh bien, applique-toi, quand tu feras bien, je te récompenserai comme je t'ai puni. Je lui baisai la main avec transport, il m'embrassa, et passant ses mains sur mes jumelles, il me couvrit de baisers. -- Puisque tu es content de la correction, mon cher enfant, poursuivit-il, tu devrais bien récompenser mes soins de même. -- Je n'oserais jamais!... fouetter mon régent! -- Ose, il t'en prie, et, s'il le faut, il te l'ordonne. J'allai, en rougissant, prendre les verges, il découvrit son post-face; à peine osais-je toucher, il s'enrouait à me crier: -- Fort, plus fort; on doit punir plus rigoureusement les fautes des maîtres que celles des écoliers. Enfin je m'enhardis, et, empoignant son sceptre comme il avait fait du mien, je le fustigeai si vertement qu'il versa des larmes de plaisir. Dès ce moment la confiance s'établit; il prétexta un rhume qui le mettait dans la nécessité d'avoir quelqu'un auprès de lui, et il fit mettre mon lit dans un petit cabinet qui touchait au sien; mais ce n'était que pour la forme, et, dès qu'il était couché, il m'appelait et j'allais dormir ou veiller dans ses bras. Il fut mon Socrate et je fus son Alcibiade. Tour à tour agent et patient, il mit sa gloire à perfectionner mon éducation. Ma quatorzième année finie, je possédais le grec, le latin, un commencement de logique et de philosophie, je connaissais les premiers éléments de la théologie. Mais pour approfondir cette science qui tant de fois aiguisa les poignards du fanatisme, il fallait passer dans d'autres mains, le père Natophile étant livré presque exclusivement à la belle littérature, et je fus obligé d'aller étudier sous le professeur Aconite. Je gardai néanmoins mon lit chez Natophile, qui, sentant que pour faire mon chemin dans cette nouvelle carrière je serais obligé d'avoir les mêmes complaisances pour Aconite, le prévint en ma faveur, et dressa lui-même les articles du traité de partage; il fallait le consentement du supérieur pour mon admission au cours de théologie. Natophile me présenta chez lui, ma figure lui plut, et il fallut bien lui payer son droit. Pendant l'année qui suivit, je passai les jours à l'étude et les nuits à mériter les faveurs de mes professeurs. Mes progrès m'avaient fait un nom qui me promettait les plus brillants succès, quand arriva la catastrophe qui anéantit la société. Accablés par ces revers, Natophile et Aconite prirent le parti de se retirer en Italie, et le premier, pour ne pas me laisser sans ressources me recommanda à Mme Valbouillant, pour me charger de l'éducation de son fils, âgé de sept ans et dont le professeur venait de mourir; ma réputation, le témoignage de mes professeurs, me firent accepter malgré mon excessive jeunesse. Mme Valbouillant pouvait avoir vingt-quatre ans, les dents blanches, l'oeil noir, le nez en l'air, les cheveux bruns et fournis, la peau superbe, la gorge et la croupe rebondies, et la main d'une beauté ravissante; elle n'avait d'enfant que mon élève, et son mari, depuis six ans, était en Italie, à la suite d'une succession qui lui était échue. Natophile me conduisit chez elle, y fit porter mon attirail d'abbé et le petit trousseau que son amitié l'avait engagé à me faire. Cette dame me reçut avec une bienveillance attrayante et promit à Natophile de me traiter de façon à établir entre elle et moi la confiance réciproque qui devait assurer le succès de mes soins auprès de mon élève. Quand mon introducteur fut sorti, la dame me regardant d'un oeil fixe et animé, je baissai les yeux et je rougis; j'avais bien la force de soutenir les regards lascifs de mes instituteurs, mais ceux d'une femme riche et d'un rang distingué, dont ma fortune allait dépendre, m'en imposaient à un point que je ne puis exprimer. -- Que vois-je, dit-elle, vous rougissez? Le père Natophile m'aurait-il trompée? Vous avez bien les traits d'une jeune fille, vous en montrez la timidité, n'en auriez-vous pas le sexe! Je rougis encore plus fort. -- Ah! continua-t-elle en riant, je placerais là un joli gouverneur auprès de mon fils; je veux m'en assurer. Et passant la main dans le jabot de ma chemise, elle eut l'air de chercher par mon sein si je n'étais pas une fille; le sien, que je voyais presque en entier, me mettait dans un état à détruire tous ses doutes; je perdis ma timidité, et, prenant son autre main, je l'appuyai sur la preuve palpable de sa méprise. -- Ah! dit-elle, que je m'étais trompée! Pourquoi avoir une aussi jolie mine? Ma méprise est bien excusable, mais si jeune... quelle grosseur! d'honneur, l'abbé, vous êtes un monstre! -- Bien facile à apprivoiser, dis-je en me jetant à ses pieds, et je donnerais ma vie pour le bonheur de vous plaire. -- Ah! que je m'en veux de mon erreur, sans elle il ne serait pas à mes pieds; levez-vous donc, quelle audace! -- Non, madame, je n'en puis sortir que je n'aie obtenu mon pardon, et je l'obtiendrai si vous considérez l'empire de vos charmes et l'effet qu'ils font sur moi. -- J'en conviens, il est presque incroyable!... Et ses yeux se fixaient sur l'insolent dont l'orgueil augmentait à vue d'oeil; il y a peu d'avocats aussi éloquents aux yeux d'une femme: je vis le succès du plaidoyer muet, et reprenant sa main, je la pressai contre l'orateur. -- Ah! fripon, s'écria-t-elle en passant son autre bras autour de mon cou, et serrant ma tête contre son sein. Je sentis l'énergie de cet "Ah! fripon!" et, profitant de la circonstance et de l'heureuse attitude, je fis tant des genoux et des mains qu'en quatre secondes tous les obstacles furent écartés, et l'union la plus intime couronna mes efforts; ses yeux humides et à demi fermés, son sein haletant, sa bouche, collée contre la mienne, forcée au silence par la volupté; nos langues trop occupées pour peindre nos plaisirs; nous restâmes plusieurs moments dans cette ivresse qu'on sent trop pour pouvoir l'exprimer. Sa dernière période combla mes voeux sans affaiblir nos désirs, et le front orné de myrtes, je ne me reposai point pour courir à une nouvelle victoire. Mon athlète, charmée de sa défaite et de ma valeur obstinée, se livra avec transport à la nouvelle lutte, qui, moins rapide et plus vivement sentie, nous plongea dans une mer de délices. Remis de notre trouble, nous couvrîmes réciproquement de baisers enflammés tous les charmes dont nous avions joui, et nous convînmes de la réserve la plus sévère devant le monde et les domestiques, et de l'abandon le plus parfait dans les tête-à-tête. Chaque jour me découvrait de nouveaux charmes dans ma conquête, qui, s'attachant de plus en plus par la jouissance, m'aimait avec la tendresse d'une amante. L'appartement de mon élève communiquait au sien par sa garde-robe; et le soir, quand tout le monde était endormi, je passais dans son alcôve chercher le délire dans ses bras, et je rentrais chez moi avant le point du jour. Nous jouissions sans trouble de cette félicité, quand Valbouillant revint de son voyage, après avoir terminé ses affaires. Je lui fus présenté; je lui parus bien jeune pour un instituteur. Connaissant le tempérament de son épouse, il se douta bien qu'elle ne me laissait pas donner exclusivement tous mes soins à mon élève; mais il n'était pas jaloux, et le séjour qu'il avait fait à Florence l'ayant accoutumé aux plaisirs socratiques, et ma figure le séduisant, il crut faire servir la faiblesse de sa femme pour moi à s'assurer de mes complaisances. Il feignit le soir un mal de tête, s'excusa de coucher seul dans son appartement, lui disant en l'embrassant tendrement qu'il espérait s'en dédommager quand cette indisposition imprévue ne le contrarierait plus. Elle me fit alors un signe, que je compris à merveille. Quand je le crus retiré, je m'introduisis dans le lit de ma belle, et nous nous hâtâmes de profiter d'une occasion que nous craignions ne pas retrouver de sitôt. A peine étions-nous à l'oeuvre, que nous vîmes paraître Valbouillant en chemise, un poignard à la main, qui, jetant la couverture et me saisissant de la main gauche, me dit: -- On ne m'outrage point impunément; mais je suis humain, choisissez entre ces poignards. Et brandissant celui qu'il tenait, il me montrait celui dont Jupiter frappait Ganymède. L'amour de la vie ne rendit pas mon choix douteux; je cédai à l'impérieuse circonstance, et Mme Valbouillant, trop heureuse d'en être quitte à si bon marché, me retint assujetti dans la position où je me trouvais; son mari devint le mien, et dans le fort de ses transports, il prodiguait mille baisers à sa femme, bénissant une infidélité qui lui procurait de si douces jouissances. -- Tu me pardonnes donc, lui dit-elle en l'embrassant. -- Comment rester fâché contre de si chers coupables? Ce sein, dit-il en le baisant (elle l'avait superbe), et ces jumelles, ajouta-t-il en frottant de la main l'autel où il venait de sacrifier, attendriraient un tigre; de plus, je n'ai pas compté que tu pusses rester fidèle pendant une si longue absence. J'ai gagné dans mon voyage une bonne succession et des cornes. La première me fait plus de bien que les autres ne me feront de mal. Ne prêtons point à rire, soyons discrets et jouissons sans scrupule de tous les plaisirs que notre âge et notre fortune nous offrent; évitons le scandale et moquons-nous du reste. Mme Valbouillant, enchantée de la manière dont il avalait la pilule, le comblait de caresses. -- Ah! mon ami, que de bonté! Non, plus jamais tu n'auras de reproche à me faire! Je renonce... -- Tais-toi, point de serment, je n'y crois point. J'exige ta confiance et non ta fidélité; ce serait demander l'impossible. Tiens, regarde notre abbé, comme il est radieux; j'ai retardé ses plaisirs et les tiens, mais je ne veux pas vous en priver; allons, Hic et Hec, reprenez votre besogne. -- La plaisanterie est trop amère, mon ami, quand tu vois mon repentir. -- Je ne plaisante point, j'ai donné à l'abbé ce que je te destinais, il est juste qu'il t'en dédommage; les plaisirs que tu prendras devant moi ne peuvent m'offenser, puisque c'est de mon aveu, et que mes yeux jouiront par ce tableau. Et tenant sa femme dans l'attitude la plus commode, il me pressa de me jeter dans ses bras. La singularité de tout ce qui venait de se passer me fit hésiter: il insista; je cédai, et j'avoue que j'en mourais d'envie. Alors, nous serrant tous deux dans ses bras, il nous couvrit de caresses; sa femme, d'abord embarrassée, se rassura et lui serrant la main, se livra sans réserve à mes transports, et parvint au but désiré en même temps que moi. -- Eh bien! mes amis, dit-il, ne suis-je pas un complaisant? Des caresses furent notre réponse. Regarde, dit-il à sa femme, l'effet du spectacle que vous venez de me donner. Et il lui découvrit son sceptre dans l'état le plus respectable. -- Qu'il est menaçant, s'écria-t-elle; allons, mon pauvre Hic et Hec, vous allez être poignardé. -- Non, madame, c'est sur vous cette fois que ma fureur va tomber; si, par hasard, dans neuf mois vous me rendez père, je ne veux pas avoir de certitude que l'enfant n'est pas de moi. En disant ces mots, il use de tous ses droits et s'empare de la place dont je venais de sortir. Valbouillant était bien fait, il avait à peine trente ans, son corps frais et rebondi était d'une blancheur éblouissante; la vue de son post-face me rendit ma vigueur, je me précipitai sur lui, je m'introduisis sans peine, et mes mouvements secondant ses efforts, le faisaient pénétrer plus avant dans la grotte de son épouse. -- Ah! cher abbé, s'écria-t-il, quel plaisir! Tu doubles ma jouissance. Je continuai avec ardeur, et bientôt une triple émission couronna notre félicité. Alors, plus calme, il me baisa avec une tendre fureur, pour me payer des délices que je lui avais fait éprouver. -- Vous m'étonnez, dit sa femme, je pensais bien qu'en socratisant, l'agent goûtait un plaisir vif par la pression qu'il éprouve dans la voie étroite; mais je ne puis concevoir que le patient en puisse ressentir; au contraire, la grosseur de ce qu'il admet doit lui causer une sorte de douleur qui doit émousser toute volupté. -- Ah! ma chère, que vous êtes dans l'erreur, le rôle de patient est au moins aussi doux à jouer que celui d'agent, le chatouillement intérieur est ravissant, et j'ai vu des femmes qui préféraient recevoir leur ami de ce côté-là. -- C'est singulier, et pourquoi ne me l'avoir point fait essayer? -- Je n'osais te le proposer, et sans les événements d'aujourd'hui, je ne t'en aurais peut-être jamais parlé. -- Je serais bien tentée d'en faire l'épreuve, si je ne craignais pas que cela me fît beaucoup de mal. -- Nous l'avons bien supporté votre mari et moi presque dès l'enfance; avec un peu de pommade les obstacles disparaissent. -- Vous m'encouragez; cependant comment est-il possible que ceci (touchant le sceptre de son mari) puisse entrer dans un si petit réduit? -- Mon coeur, il faut choisir, pour commencer le défrichement, la charrue dont le soc sera le plus aigu. A l'examen, les proportions du mien parurent plus propres pour entamer l'ouvrage, et après quelques moments de repos, mes forces s'étant ranimées, Valbouillant resta dans le lit, nous nous levâmes sa femme et moi; je lui fis courber le corps sur le lit, son mari la retint, unissant sa bouche à la sienne et l'animant par des baisers à la florentine. Cependant sa croupe se levant, me présentait un double chemin au bonheur; je choisis celui convenu; après avoir préparé la voie par un liniment suffisant, la grosseur du soc lui fit d'abord jeter un cri, je m'arrêtai et poussant avec ménagement quelques secondes après, j'ouvris le sillon assez pour y cacher la moitié du fer de la charrue; je m'arrêtai encore: -- Souffrez-vous? lui dis-je. -- Encore un peu, mais moins. Alors, appuyant sur les manchons, je fis le défrichement aussi profond qu'il devait l'être, allant et venant, comme l'exige ce genre d'agriculture. -- Ah! dieux! s'écria-t-elle; je ne sais où je suis, la tête me tourne, je brûle; ah! quelle volupté, je fonds! Ah!... ah!... je succombe... je pars encore... Quartier! mon cher ami... je ne puis plus... Me sentant aussi tout hors de moi, je retirai mon soc du sillon où il était, je l'enfonçai profondément dans le voisin que je trouvai inondé d'un déluge de larmes de volupté; les miennes s'y mêlèrent et nous nous rejetâmes sur le lit dans un abattement délicieux qui succède aux plaisirs satisfaits. -- Ah! mes amis, s'écriait Mme Valbouillant, se peut-il que j'aie vécu jusqu'à présent dans l'ignorance d'un bonheur aussi grand; bon Dieu, quelle félicité, quelle douceur ineffable! Valbouillant, qu'elle caressait en tenant ce discours, lui proposa de lui faire répéter l'expérience dont elle s'était si bien trouvée. -- De bon coeur, quand j'aurai pris quelques moments de repos; mais laissez-moi respirer quelques instants, et me recueillir sur une jouissance aussi parfaite et aussi nouvelle pour moi. Elle s'assoupit un moment la tête appuyée sur mon sein, je m'endormis aussi une main sur ses reins, et l'autre enveloppant un côté de son sein. Valbouillant suivit notre exemple, nous dormîmes près de deux heures; un songe intéressant occupait notre belle, elle agitait ses reins et m'embrassait avec un transport qui m'éveilla tout à coup. Valbouillant ouvrit aussi les yeux. -- C'est, dit-il, à mon tour de lui faire la seconde expérience socratique. -- D'accord, répondis-je, mais si vous m'en croyez, nous pouvons doubler pour elle la volupté. -- Comment? -- Je vais me coucher sur le dos et l'établir sur moi tout physiquement, et vous vous installerez ensuite dans la voie étroite. Tous deux applaudirent à mon idée, et nous nous mîmes sans délai à la réaliser. Je mis un coussin sous mes reins pour les élever davantage, mon héroïne se mit à cheval sur moi, enfonçant mon poignard dans sa blessure et collant sa poitrine sur la mienne, de façon qu'elle offrait dans la position la plus avantageuse le revers à son second athlète. Il ne tarda pas à battre la muraille avec son bélier, qui bientôt s'y fit jour. Enivrée de plaisir, elle me mordait, me pinçait, me baisait, m'inondait et par-dessus m'étouffait: quelque volupté que j'éprouvasse, je commençais à me repentir de mon invention, quand par bonheur Valbouillant, dont le frottement de nos chevilles ouvrières sur la mince membrane qui nous séparait accélérait le triomphe, arrosa l'intérieur de l'arrière-temple, et me débarrassa de son poids; alors je redoublai mes mouvements, et, dardant le nectar dans le plus profond de l'antre de la volupté, l'âme de ma belle et la mienne se confondirent quelques moments. Elle avoua que de sa vie elle n'avait conçu l'idée d'un plaisir aussi ravissant: elle nous pressait sur son sein son mari et moi, et gémissait de ce que la nature humaine accordait si peu de force pour savourer et prolonger la volupté. Ce dernier combat ayant épuisé nos ressources, nous nous retirâmes pour la laisser chercher, dans les bras du sommeil, le repos que nous allâmes prendre, chacun de notre côté, dans nos lits. Le lendemain, je fus réveillé à onze heures par la jeune Babet, filleule de Mme Valbouillant, qui vint me dire qu'elle m'attendait pour déjeuner avec du chocolat, et que je vinsse dans l'état où je serais. Comme j'aurai occasion de parler de Babet, et, pendant qu'elle est dans ma chambre, j'en vais crayonner le portrait. Elle avait à peine quatorze ans; sa taille, haute et légère, aurait pu servir de modèle à l'Albane pour peindre la plus jeune des Grâces; un sein petit et dur commençait à s'arrondir autour de deux boutons vermeils et frais comme la rose, et qui paraissaient à l'oeil comme deux fraises appétissantes que le soleil n'a fait encore que rougir légèrement; son front brillait du coloris de l'innocence; dans ses yeux on commençait à entrevoir le plaisir d'aimer encore méconnu, et la gaîté naïve, entr'ouvrant sa bouche de corail, allait creuser dans ses joues deux fossettes charmantes. Je l'avais peu remarquée jusqu'alors; malgré les fatigues de la nuit, le démon du matin ne me laissa pas maître de voir sans émotion tant de charmes. Je me fis répéter trois fois le sujet de sa commission, quoique je l'eusse entendu dès la première. -- Est-ce vous, charmante Babet, lui dis-je, en jetant ma couverture pour me lever et me rendre aux ordres de sa maîtresse, est-ce vous qui préparez cet excellent chocolat? -- Oui, monsieur, c'est moi. -- Que je voudrais bien être à sa place, comme je mousserais bien sous vos mains. -- Un abbé, mousser, cela serait plaisant. -- Et très naturel. -- Vous moquez-vous? comment cela se peut-il? -- Tu vas le voir, lui dis-je en l'attirant sur mon lit; suppose que ceci est le manche du moussoir. -- Ah! comme c'est fait; mais non, je veux m'en aller, et feignant de vouloir sortir et de détourner la tête, je l'aperçus cependant qui glissait un regard de côté pour mieux détailler cet objet nouveau pour elle. -- On ne me quitte pas ainsi, repris-je en la retenant avec un tel effort qu'elle perdit l'équilibre et tomba de côté sur mon lit, de telle sorte que voulant se retenir, ce fut directement au manche du moussoir qu'elle s'accrocha. Me trouvant bien du hasard de la chute, je la maintins dans cette attitude. -- Ah! mon Dieu, que cela est dur! dit-elle, en s'accoutumant à le considérer, et le touchant avec complaisance; à quoi cela peut-il servir? -- A faire ton bonheur et le mien. -- Cela serait drôle, et comment cela? -- En le plaçant dans l'ouverture de la chocolatière. -- Elle est chez madame, au coin du feu, je vais vous la chercher. -- Ne te donne pas tant de peines, tu portes toujours avec toi celle qu'il me faut. Je lui fis sentir par l'attouchement d'un doigt caressant quel était le meuble qu'il me fallait. -- Comme vous me chatouillez!... -- Comment? Quoi donc?... Ils sont faits l'un pour l'autre, et c'est de leur union que naîtra pour nous le plus grand des plaisirs. -- Ah! comme votre doigt seulement m'en donne, ah! que cela est drôle! Et vous dites que ce que je tiens là m'en donnerait davantage. -- Je t'en réponds, cela ne se ressemble pas. -- Que je le baise donc? Et la pauvre ingénue se mit à me le couvrir de baisers pendant que mon doigt, continuant son office obligeant, la conduisit à la dernière période de la volupté. -- Ah!... ah!... quelle ivresse, s'écriait-elle, en roulant les yeux et agitant les reins. Je n'en puis plus... Je meurs, ah!... ah!... je suis toute mouillée. Je contemplais avec délices les effets du plaisir sur sa mine innocente et candide; j'allais essayer de lui donner des plaisirs plus solides, quand du bruit que j'entendis dans le corridor me fit lâcher prise et remettre à un autre temps la leçon de cette charmante écolière. -- A ce soir, lui dis-je, quand tout le monde sera couché, j'irai achever de t'instruire. Tu le veux bien? -- Si je le veux? Je vous en prie. -- Ne dis rien à personne de ce que nous avons fait, et laisse ta porte entr'ouverte. -- Je n'y manquerai pas. A peine était-elle sortie que Valbouillant entra. -- Comment, pas encore debout, paresseux!... Voilà ce que c'est que de vous envoyer de si jeunes émissaires, monsieur songe moins au message qu'à la messagère. -- Je dormais profondément, Babet a eu de la peine à m'éveiller. -- Elle vous tenait pourtant par l'endroit sensible. -- Que dites-vous? -- Mais vous n'étiez pas ingrat. -- Quoi! vous pourriez penser? -- J'ai vu, fripon, mais je me suis retiré pour ne pas être un trouble-fête, et j'ai fait ensuite assez de bruit en revenant pour que vous ne fussiez pas surpris de ma venue. La petite Babet est charmante, j'en raffole depuis mon retour, et je ne vous laisserai pousser tranquillement votre pointe qu'à condition que quand vous l'aurez initiée, elle sera associée à nos plaisirs. -- Soit, repris-je, laissez-moi huit jours pour la disposer et je vous la donne après pour l'effet de la société la plus aimable. -- Huit jours, ah! monsieur l'abbé, du train dont vous y allez, le terme est trop long, la nuit prochaine passée, celle d'après, il vous plaira que tout soit commun entre nous. Il fallut bien y consentir. Pendant ce colloque, j'avais passé des bas, un caleçon et une robe de chambre, et il m'emmena chez sa femme, où nous trouvâmes le chocolat tout préparé, qui nous fut versé par les mains de Babet, qui, sans savoir pourquoi, rougissait en emplissant ma tasse. Valbouillant lui donna quelque ordre qui la fit sortir pour un quart d'heure, et profitant de son absence, il conta à sa femme ce qu'il avait surpris de mes arrangements avec sa filleule. -- Comment, libertin, dit-elle, déjà une infidélité!... Mais je ne serai pas si douce que mon mari, ou je dérange vos projets, ou je repaîtrai mes yeux de vos succès. -- Comment voulez-vous qu'une première fois cette jeune personne consente? -- Laissez-moi faire, dit-elle, elle est parfaitement innocente, a pleine confiance en moi, et si les exploits de cette nuit n'ont pas mis l'abbé hors de combat... -- Hors de combat, repris-je en lui faisant voir que j'étais dans toute ma gloire. -- Ah! ma foi, l'abbé est un héros. Eh bien, j'entends que le pucelage de Babet n'ait pas plus d'une heure à vivre et que nous assistions à ses obsèques; j'en fais mon affaire. -- Comment prétendez-vous?... -- Ne vous embarrassez pas, laissez-moi conduire la chose et je réponds de la réussite. Quelques moments après, Babet rentra. -- Qu'on dise là-bas que nous sommes sortis et qu'on ne laisse monter personne, dit la marquise d'un ton sérieux mais sans dureté; revenez aussitôt, Babet, j'ai des choses importantes à vous apprendre. La filleule obéit et rentra. -- Asseyez-vous, Babet, continua Mme Valbouillant. L'innocente balançait. -- Obéissez. Elle céda. -- Je suis votre marraine, et trop instruite dans ma religion pour ignorer qu'en vous tenant sur les fonts, j'ai pris l'engagement de vous éclairer, de vous protéger et de pourvoir tant que je pourrai à vos besoins. -- Vous l'avez toujours fait, madame, et ma reconnaissance... -- Je veux continuer, l'âge en amène de nouveaux. Depuis un temps, j'ai cru remarquer que votre sein s'arrondit. -- Madame, ce n'est pas ma faute. -- Je ne vous en fais pas un reproche, mais il faut que je voie en quel état il est. La pauvrette rougit. -- L'abbé, continua Mme Valbouillant, délacez son corset: comme vous serez son directeur, il est bon que vous jugiez par vous-même des secours dont elle peut avoir besoin. Je me mis en devoir d'obéir; la petite, embarrassée, interdite, ne savait s'il fallait résister ou céder. -- Vous n'êtes plus une enfant, poursuivit la marraine, je vais à présent vous parler comme à une grande fille, et vous devez vous conduire de même; vous n'imaginez pas, je crois, que je veuille faire, ni vous faire faire quelque chose qui ne soit pas convenable. D'ailleurs la présence de mon mari devrait vous rassurer; mais pour détruire votre timidité, je veux bien vous montrer l'exemple. En disant cela, elle détacha son fichu elle-même et découvrit cette gorge que nous avions tant fêtée la nuit. Babet fit moins de résistance et me laissa tirer de son corset deux petits globes naissants, blancs et fermes comme l'albâtre; je fus ébloui de leur éclat. -- Bon, dit la dame en les touchant légèrement, ceci annonce quelque chose, voyez si le reste le confirme; vous étiez chauve, il y a quelques années, au-dessous de votre buste, l'êtes-vous encore? -- Madame... -- Eh bien? -- C'est que je n'ose. -- Dites, dites, ne craignez rien... -- Depuis six mois... -- Après? -- Il m'est venu... -- Voyons? -- Il est peut-être malhonnête. -- Bon, ce qui est naturel peut-il l'être, regardez-y, l'abbé. Babet, au mouvement que je fis, parut bien plus confuse et résista machinalement. -- Quelle enfant, continua la maîtresse, faut-il encore que je vous donne l'exemple? J'y consens. Et elle leva ses jupes et nous fit voir la toison la plus brune, la mieux frisée qu'on pût voir. Alors, imitateur fidèle, j'exposai à la vue le duvet naissant qui ombrageait le portique du plus joli temple que l'amour eût jamais formé; Mme Valbouillant y porta le doigt, et son chatouillement y eut bientôt causé les douces oscillations qui conduisent à la volupté. -- Le moment du besoin est arrivé, et pour y pourvoir, c'est, ma chère enfant, de l'abbé que j'ai fait choix. Allons, Hic et Hec, conduisez-la sur ma chaise longue et donnez-lui tous les secours qui dépendront de vous. Valbouillant et moi brûlions de désirs à la vue de tant de charmes; la petite n'était pas plus calme, mais la présence de sa marraine et de Valbouillant la couvrait de confusion. Mme Valbouillant, pour tirer parti de la circonstance, prenant son mari par ce qui se révoltait en lui: -- Montrons à cette enfant, dit-elle, comment il faut qu'elle fasse. Et, par cet exemple, elle détermina bientôt l'innocente, que je plaçai dans l'attitude convenable au sacrifice. -- Ah! mon cher abbé, me dit-elle en se plaçant comme je voulais sur la chaise longue, qui m'eût dit ce matin que, sans risquer d'être grondée, je pourrais vous abandonner ce que vous chatouillez si joliment et toucher ce qui, dites-vous, doit me donner tant de plaisirs! Ce que c'est que d'avoir une bonne marraine! Pendant qu'elle disait tout cela, je m'établissais, et la pointe de mon dard s'efforçait de pénétrer dans le réduit jusqu'alors insensible, dont la pudeur défend l'accès à la volupté. Le spectacle de Mme Valbouillant qui, dans ce moment, se pâmait sous les efforts de son mari, irritant ses désirs, l'empêchait de s'opposer aux miens, quelque douleur que lui causassent mes efforts. Je profitai de ce moment d'ivresse, et passant mes mains autour de ses reins, j'appuyai si vertement que, franchissant tous les obstacles, j'établis la tête de ma colonne dans le retranchement de l'ennemi, qui céda à mon effort. -- Ah! je suis morte, dit-elle, cruel! Sont-ce là les plaisirs que vous me promettiez? Je ne lâchai pas prise. -- Le plus fort en est fait, répondis-je, encore un peu de patience, ma chère Babet, et tu verras que je ne t'ai point trompée. Elle pleurait, gémissait, et moi je gagnais toujours du terrain; cependant Valbouillant et sa femme ayant fini leur besogne vinrent à notre secours; l'officieuse marraine, glissant sa main dans le champ de bataille, chatouilla cette voluptueuse excroissance qui, par sa dureté, annonce l'arrivée de la volupté, et les lèvres de Valbouillant, serrant amoureusement une des fraises de son sein, portèrent son ivresse au comble; elle oublia sa douleur que le frottement affaiblissait. -- Ah! dieux! s'écria-t-elle, qu'est-ce que je sens?... qu'est-ce que j'éprouve?... ah!... ah! je me meurs... serre-moi... j'expire... ah!... A ce mot elle ferma les yeux, se raidit, et, par la plus copieuse éjaculation, me prouva le plaisir qu'elle prenait, je ne fus pas longtemps à m'acquitter, et l'abondante injection que je fis en elle du baume de la vie compléta sa félicité. -- Ah! cher abbé, divin abbé, quel délice, quel nectar!... Et elle perdit de nouveau la voix en même temps que je perdais mes forces. Je me retirai couronné de myrtes ensanglantés. -- Eh bien, dit la marraine, comment t'en trouves-tu, Babet?... -- Il m'a fait bien du mal; mais bien du plaisir. -- Va, le mal est passé et le plaisir se renouvelle souvent; la friponne! avec quelle abondance elle a versé les larmes de la volupté! Et, sous prétexte de réparer le désordre de sa toilette, elle la déshabilla totalement et nous fit voir un corps dont Hébé aurait été jalouse. Aux caresses que Mme Valbouillant prodiguait à chacun des charmes de sa filleule, à mesure qu'elle les découvrait, je reconnus aisément que, quelque goût qu'elle eût pour le solide, elle pouvait, voluptueuse émule de Sapho, savourer avec une jolie nymphe les agréables dédommagements dont la Lesbienne usait en l'absence de Phaon. Je vis son front s'animer, sa gorge se gonfler et ses yeux pétiller à mesure que ses mains parcouraient les charmants contours de ce corps pétri par les Grâces. -- Qu'elle est jolie, quelle taille divine, quelle fraîcheur! s'écria-t-elle en la serrant contre son sein; je brûle... Ah! ma mignonne, prête-moi ta main. Et l'entraînant sur la duchesse, elle ranima en elle tous les désirs pendant que Babet, d'une main peu exercée, fourrageait le bosquet de Vénus. -- Suspendez ces transports, leur dis-je, vos vêtements sont un obstacle aux plaisirs que vous cherchez et à ceux de nos yeux; dépouillez ces cruelles draperies qui contrarient vos attouchements et nos regards. Elle y consentit, et, avec mon aide, elle parut en deux secondes comme Diane sortant du bain; et, se précipitant de nouveau sur sa jeune proie, elle passa une jambe entre les siennes, de façon que les temples des deux athlètes frottaient voluptueusement sur la cuisse de leur adversaire, leurs bras étaient entrelacés, leurs seins se touchaient, leurs bouches collées l'une sur l'autre s'entr'ouvraient pour laisser passage à l'organe de la parole qui devenait celui de la volupté, leurs reins s'agitaient, leurs cheveux flottaient çà et là sur leurs corps dont le mouvement animait le coloris; des soupirs enflammés se faisaient entendre; on eût dit Vénus se consolant dans les bras d'Euphrosyne de l'absence de Mars. Tout à coup elles s'arrêtèrent, et cinq ou six mouvements convulsifs et précipités nous annoncèrent qu'elles touchaient au but, et bientôt nous vîmes les perles du plaisir couler sur le champ de bataille. -- Ah! ma chère marraine, ah! mon cher abbé, quel bonheur de ne plus être enfant. Après cette exclamation et quelques caresses que la fatigue rendait plus modérées, nos belles allaient reprendre leurs habits, quand Valbouillant, que cette scène avait rendu plus brillant que jamais: -- Quoi! dit-il, serais-je le seul qui n'aurait procuré aucun plaisir à cette charmante enfant; non pas, s'il vous plaît, et, la serrant dans ses bras, il la renversa de nouveau sur le théâtre qu'elle allait quitter. -- Je ne puis le blâmer, reprit sa femme, jamais objet ne fut plus séduisant, mais nous, resterons-nous spectateurs oisifs? -- Non, ma reine, non, permettez d'abord que ma bouche recueille le nectar que vous venez de répandre, pour faire place à celui que je veux y verser. Elle y consentit, et ma langue amoureuse, furetant les recoins du parvis du temple, et savourant cette liqueur divine, ralluma ses désirs et les miens; alors, l'entraînant sur moi à l'instant qu'elle introduisait le véritable dans la route ordinaire, j'insinuai mon doigt suffisamment mouillé dans le réduit voisin, et doublant ainsi ses sensations, nous arrivâmes ensemble au but désiré, à l'instant que Valbouillant perdait ses forces à côté de nous sur le sein de la jeune Babet. Nos soupirs se confondirent, nous restâmes quelques moments immobiles et considérant d'un oeil calme et satisfait la beauté des corps qui nous touchaient; la dame rompit le silence qui succéda à la jouissance par ces mots: -- Ah! Valbouillant, qu'est-ce que le mariage auprès des délices que nous goûtons. -- Ah! ma chère, reprit-il en embrassant Babet, elle, moi successivement, je ne puis trop remercier l'abbé de m'avoir fait cocu. Nous aidâmes nos belles à se rhabiller; la toilette fut plus gaie que décente, et nous nous séparâmes après avoir bien recommandé le secret le plus profond à Babet sur tout ce qui venait de se passer. La pauvre petite avait pris tant de plaisir que sans cette recommandation et la menace de n'en plus goûter de pareil, elle aurait indubitablement été en faire le récit à ses jeunes compagnes, mais la crainte de la privation contint sa langue. Quand j'eus donné ma leçon à mon élève, je le ramenai dîner avec ses parents; il y avait plusieurs étrangers qui parurent surpris, à ma jeunesse, qu'on m'eût choisi pour instituteur. -- Il a reçu une parfaite éducation, dit Valbouillant, il est extrêmement instruit et nous nous trouvons très bien, madame et moi, de la confiance que nous avons mise en lui: sa jeunesse ne nous fait point de peine. Cette réponse fit cesser les observations; j'eus occasion de déployer un peu d'érudition et de développer des connaissances en littérature et, avant la fin du repas, les convives, charmés de mon goût, de la modestie et du ton de vertu qui régnait dans tous mes propos, devinrent mes partisans aussi zélés qu'ils avaient d'abord été prévenus contre moi. Quand tout le monde se fut retiré, nous fîmes un tour de promenade; nous soupâmes, et, notre élève étant couché, nous entrâmes chez Mme Valbouillant avec la jeune Babet, qui, depuis la scène du matin, devait se trouver dorénavant de tous nos plaisirs. Les travaux de la nuit et de la matinée précédente nous avaient rendus un peu plus modérés sur l'article des désirs. Valbouillant me demanda comment, si jeune, je pouvais avoir si bien approfondi les diverses ressources de la volupté. Je lui répondis par le récit de ce qui s'était passé entre le père Natophile et moi. -- Comment, s'écrièrent à la fois mes trois auditeurs, des coups de verges ont allumé vos premiers désirs? -- Oui, certes, et à tel point que je ne pouvais plus résister à leur vivacité. -- C'est un phénomène. -- Phénomène qui ne manque jamais d'arriver, et dans l'état où nous sommes tous à présent, il ne manquerait sûrement pas son effet. -- Vous plaisantez, l'abbé? -- Non, madame. Vous voyez mon humiliation. -- Fi donc, Hic et Hec, cachez cette misère. -- Eh bien, madame, le secours d'un balai de bouleau, en moins de deux minutes, lui rendrait toute sa gloire. -- Croyez-vous que cela fasse le même effet sur mon mari? -- J'en suis certain. -- Si nous en faisions l'épreuve? -- Volontiers, dîmes-nous ensemble Valbouillant et moi. Et Babet en alla chercher un qu'on avait apporté tout frais dans la soirée; je le partageai en plusieurs poignées; j'armai de la plus menaçante la main de Mme Valbouillant, et découvrant mon post-face: -- Je me livre à vos coups, lui dis-je; commencez à demi-force et frappez aussi fort que vous voudrez, et vous verrez. Elle se mit à la besogne, mais la crainte de me blesser amortissait ses coups, au point qu'à peine en sentais-je l'atteinte. -- Plus fort, m'écriai-je, mais elle n'osait. L'espiègle Babet lui ôtant le sceptre des mains: Laissez-moi faire, dit-elle, il me dira bientôt assez. Et d'un bras vigoureux, m'appliquant plusieurs coups précipités, les esprits se portèrent dans les pays-bas, et je parus bientôt dans l'état le plus superbe. Mme Valbouillant sauta sur ma gloire, la pressa entre ses lèvres caressantes, et d'une langue amoureuse, en chatouillant le contour, me causa un plaisir si vif, que m'éloignant de la correctrice qui s'attacha alors à Valbouillant, je conduisis la dame sur la chaise longue, et, mettant mes pieds sous sa tête et ma bouche sur son temple, je pompai avec ma langue le nectar du plaisir, pendant que sa bouche me sollicitait à la volupté. Nous savourâmes quelques minutes les délices de cette attitude, qui nous procura bientôt une émission réciproque du baume précieux, sans lequel la Providence trahie cesserait de voir les espèces se reproduire; nous le bûmes l'un et l'autre avec une ivresse qu'on ne peut exprimer. Revenus de notre trouble, nous vîmes Valbouillant, sur qui la fustigation avait fait l'effet désiré, soutenant sur ses mains les jumelles de la jeune Babet, qui, les bras autour de son cou, les jambes croisées sur ses reins, perforée par sa vigoureuse allumelle, touchait au moment du bonheur dont nous sortions. Valbouillant sentant le moment où il allait perdre ses forces, la porta dans la même attitude sur le pied du lit, l'y renversa, et presque aussitôt nous jugeâmes par leurs soupirs de la fin de leur sacrifice. Je m'approchai de Babet et lui demandai comment elle se trouvait des lumières que nous lui avions procurées. -- Je végétais, j'existe, me répondit-elle. Adieu tous autres soins, tous autres plaisirs; je voudrais pouvoir doubler chaque jour la durée du temps et employer chaque minute aux leçons que j'ai reçues. -- Parle-nous franc, lui dit sa marraine, n'avais-tu jamais rien soupçonné qui en approchât? -- J'avais, depuis un an, senti quelques démangeaisons là; je le dis à ma tante, pour savoir si me gratter, comme j'avais fait, ne me ferait pas de mal. -- C'est, me répondit-elle, à ton âme que cela en ferait; si tu continues, tu te damnes sans ressource. Et comme nous approchions de Noël, elle en avertit le père Catonet, qui me confessait. Quand j'allai lui dire ma râtelée, il m'ordonna d'attendre, qu'il me confesserait la dernière, et que ce serait dans une petite chapelle, derrière la sacristie, dont il avait la clef. En effet, il m'y conduisit, quand il fut quitte de ses autres pénitentes. Je commençai par les misères, comme cela se pratique; puis, comme il voyait que j'hésitais, il me questionna sur le sixième commandement. C'est à cet examen que je dois le peu de lumières que j'avais au moment où vous m'avez instruite. Quand je lui eus avoué l'article des démangeaisons et du grattement: -- A quel endroit est-ce précisément? demanda-t-il avec des yeux qui semblaient vouloir me dévorer. -- Hélas! lui répondis-je, c'est là, un peu plus bas que mon buste. -- C'est sûrement, dit-il, un tour de l'esprit malin; mais je vais lui en jouer un autre. J'ai de l'eau lustrale dans ce bénitier; il y mouilla son doigt, et, me faisant asseoir sur son genou, sous prétexte de me purifier, il me chatouilla pendant que, par son ordre, je récitais mon chapelet. Je n'étais pas au milieu de la seconde dizaine que la voix me manqua; je pris le plaisir que je ressentis pour une bénédiction attachée à l'eau bénite: il me dit de me mettre à genoux et d'achever ma confession. J'aperçus sous sa robe quelque chose qui poussait, et auquel il donnait avec sa main de fréquentes secousses; et l'instant d'après, retirant cette main pour me donner l'absolution, je la vis couverte d'une écume blanche et visqueuse dont une goutte tomba sur ma main. Je n'osai lui demander ce que c'était. Il me défendit de jamais mettre ma main là, m'ordonna de me donner tous les jours, pendant la neuvaine, la discipline avec un meuble de ce nom, en corde nouée, qu'il me remit, de réciter pendant que je me fesserais cinq _Pater_ et cinq _Ave_, et de revenir à confesse au bout de ce temps, qu'il commencerait l'exorcisme. Vous savez à quel point va le zèle de la religion quand on est jeune; je doublai la pénitence qu'il m'avait imposée et je me fouettai aussi fort que je pouvais le supporter; la douleur, à mesure que je m'y accoutumais, se changeait en plaisir, et je sentais mes feux souterrains augmenter à chaque coup de discipline, mais je n'osais plus y porter le doigt. La neuvaine finie, je retournai chez mon cafard qui, après ma confession entendue, toujours dans la chapelle solitaire, me dit: -- Le démon est plus tenace que je n'aurais cru; ce n'est pas assez du doigt pour le chasser, je vois qu'il faut le goupillon; et, me faisant mettre à genoux en baisant la terre, et m'ordonnant de réciter le psaume _Miserere_, sans changer de position, il voulut y introduire son énorme goupillon; mais la douleur fut si vive, que, poussant un cri aigu, je me jetai de côté, et mon cafard, ayant perdu son point d'appui, alla mesurer le pavé avec son nez. Entendant du bruit dans la sacristie, il se releva, me disant que puisque je ne pouvais souffrir un petit mal pour l'amour de Dieu, il perdait l'espérance de me soustraire au démon, que je revinsse cependant dans l'octave et qu'il me confesserait dans sa cellule. Ma tante, surprise de mes fréquentes confessions, me questionna; je lui confessai naïvement tout ce qui s'était passé; elle me défendit de retourner chez mon carme, et mon ignorance durerait encore sans les soins que vous avez pris de mon instruction. Le récit de Babet nous fournit des réflexions sur la papelardise des moines et des directeurs. -- Comment se peut-il, dit sa marraine, que la discipline ne te blessât point; il me semble que cela doit faire un mal affreux. -- Oui, madame, les premiers coups, mais en les donnant doucement d'abord, rien ne cause un feu plus vif, et les derniers, quelque forts qu'ils puissent être, causent un plaisir si grand qu'il m'est arrivé quelquefois de répandre en me flagellant des larmes aussi abondantes par là, que madame vient de m'en faire verser. -- As-tu la discipline? -- Elle est dans ma chambre, vous allez la voir tout de suite. Elle sortit, et pendant son absence nous ne tarîmes pas sur son éloge; jamais personne n'avait montré de plus heureuses dispositions pour tout genre de volupté. Elle rentra tenant en main le dévot instrument. -- Comment fait-on? dit la marraine. La petite, à ces mots, se déshabille entièrement et se met à se discipliner d'importance; ses fesses rougies excitèrent la pitié de la dame qui la priait de cesser, quand Babet lui dit: -- Touchez, madame, où vous savez; vous verrez si je souffre. Elle le fit, et à l'instant une copieuse libation se répandit sur sa main. -- Ah! dit-elle, quel déluge, si jeune!... Je veux essayer de ta recette. Elle se dépouilla aussitôt, et prenant la discipline, les premiers coups, quoique légers, lui faisaient faire la grimace. -- Laissez-moi faire, dit Babet; quand, avec les verges, j'aurai doucement échauffé ce beau derrière, vous verrez que tout de suite vous ne souffrirez plus. Elle y consentit, et bientôt elle disait elle-même à sa filleule de frapper plus fort, et un instant après: -- Je n'en puis plus, s'écria-t-elle, je brûle; ah! quel délire... frappe toujours, frappe... Ce spectacle nous avait rendu notre vigueur à Valbouillant et à moi; il y avait dans la chambre deux lits jumeaux, séparés par un espace d'environ trois pieds. Mme Valbouillant, le ventre et la poitrine couchés sur un des lits, présentait la croupe à la fustigation de Babet; le mari, prenant la place de la correctrice sans faire changer de position à la pénitente, enfonce son aiguillon le plus avant qu'il peut dans le sentier physique, et j'en fis autant à la jeune enfant, l'ayant placée sur l'autre lit dans la même position, de sorte que nos postérieurs, à chaque secousse, se rencontraient, et par ce choc étant repoussés plus vigoureusement, allaient porter la volupté plus profondément dans les sanctuaires de nos belles. Mme Valbouillant, dont la fustigation avait rassemblé tous les esprits dans la partie sensible, arriva trois fois au but pendant que son athlète fournissait une seule carrière; pour moi, je perdis mes forces en même temps que la chère Babet, dont avec un doigt curieux je sondais cependant la voie étroite. Elle me parut avoir le degré de sensibilité désirable pour les plaisirs que j'en attendais dans un autre moment. La pauvre petite, surprise à cette double intromission, s'écriait: -- Bon Dieu! qu'est-ce donc que cela? que cela est drôle! Aye, aye, cela ne me répond pas du tout; je n'y puis plus tenir, je me meurs... Ce fut son dernier cri en finissant le sacrifice. Nous nous étions si bien trouvés de cette réjouissance en quadrille, que nous résolûmes bien d'en faire usage. Mme Valbouillant ne cessait de faire l'éloge des verges et jurait n'avoir jamais trouvé son mari si voluptueux. Pour Babet et pour moi, qui avions de longue main contracté cette habitude, nous étions charmés de les y voir prendre goût; le résultat de cette apologie fut de nous armer tous d'une bonne poignée de bouleau et de nous flageller réciproquement, de telle force que le post-face de nos belles avait pris la couleur de la cerise, et les nôtres, profondément sillonnés, laissaient échapper le sang par quelques endroits; mais nous étions dans un état de fureur érotique qui nous dédommageait pleinement de cette petite souffrance. -- Tâchons, leur dis-je, de profiter de cet état heureux et d'en prolonger la durée; lorsque nous nous sentirons sur le point de terminer le sacrifice, suspendons et retirons-nous tout doucement, nous rentrerons bientôt en lice quand les esprits seront un peu plus calmes. Nos belles s'assirent l'une à côté de l'autre sur le bord d'un des lits, et nous, restant debout, nous nous établîmes entre elles; leurs jambes se croisèrent sur nos reins; dans cette heureuse attitude, nous dominions leurs charmes, nos mains pouvaient, sans se gêner, parcourir le sein de l'une et de l'autre, et même nos bouches y pouvaient prodiguer des baisers, en sucer les trésors, sans que les parties essentielles fussent déplacées. Je m'arrêtais lorsque je sentais le moment approcher, j'en faisais autant à Valbouillant, que je tenais immobile, quand la fréquence de ses soupirs m'annonçait qu'il touchait au terme. Après avoir ainsi peloté avec le plaisir pendant un gros quart d'heure: -- Troquons, lui dis-je. Et il passa des bras de Babet dans ceux de sa femme, que je quittai pour le remplacer dans ceux de sa filleule. Nos belles, cependant, moins économes ou plus en fonds que nous, versaient fréquemment des larmes de volupté; enfin, comme il faut que tout se termine, j'insinuai le gros doigt de ma main gauche dans le post-face de Valbouillant, qui de sa droite me rendit le même office; ce surcroît de chatouillement nous conduisit bientôt au but désiré, mais comme elle avait été suspendue, jamais éjaculation ne fut plus abondante; à peine nous restait-il assez de force pour nous traîner chacun dans notre lit, où nous allâmes chercher le repos dont nous avions grand besoin. Le lendemain, les restaurants, les cordiaux ne nous furent pas épargnés; cependant le soir, au grand regret de nos belles, accablés de sommeil, nous allâmes chercher le repos que nous désirions, après n'avoir mis en jeu que de froids baisers et quelques mouvements de doigts officieux qui leur paraissaient de bien faibles dédommagements des services plus solides auxquels nous les avions accoutumées. Le troisième jour, deux courriers arrivant de Rome à nos belles semblaient devoir prolonger le temps de notre repos; mais Mme Valbouillant, que nous avions initiée aux plaisirs d'arrière-main, nous observa qu'à défaut de la porte cochère on pouvait entrer par le guichet; nous instruisîmes Babet dans le même art et nous la formâmes à ce précieux genre de volupté; mais la tante de Babet la voyant plus alerte, plus spirituelle, moins embarrassée, n'en recevant plus de confidences comme celle des démangeaisons, soupçonna en partie la vérité, et comme elle avait l'entrée libre dans la maison, elle se cacha près du lieu de nos orgies. Là, ses yeux et ses oreilles ne lui laissèrent aucun doute. Elle était née Italienne, partant superstitieuse, poltronne et vindicative. Elle n'osait éclater contre Valbouillant, dont elle connaissait les richesses et craignait le crédit; elle crut qu'elle parviendrait à se venger en s'appuyant du prélat de la ville, auquel elle demanda une audience particulière et qu'elle instruisit de la communauté de nos plaisirs, s'offrant de le rendre témoin oculaire de notre débauche. Son récit mit en rut le papelard et piqua sa curiosité; elle l'introduisit dans un cabinet près de la chambre de Valbouillant, dont une porte vitrée laissait libre passage à ses regards avides. C'était peu de jours après le rétablissement de la santé de nos belles. Pour mieux célébrer la fête, nous nous étions dépouillés de tous ornements superflus; il faisait chaud, nous étions dans l'état de nos premiers pères dans l'Eden: nos serpents orgueilleux levaient une tête altière, et l'aspect des pommes que nous présentaient nos Eves nous faisait frémir de désir; nous essayâmes mille attitudes diverses, et suspendant le dernier terme de la jouissance, nous fixions les désirs: Babet, renversée sur un lit les jambes croisées sur mes reins, se pâmait voluptueusement en serrant dans son antre brûlant le joyeux bourdon que je poussais et retirais avec une agilité qui hâtait pour elle le moment décisif, tandis que Valbouillant faisait avec sa femme, couchée sur le même lit, une épreuve antiphysique dont il redoublait les délices par le chatouillement d'un doigt obligeant à l'orifice du véritable sanctuaire. Le prélat crevait dans ses panneaux et la jalouse tante de Babet, le tirant par la manche, lui dit: -- Monseigneur, que d'horreurs! -- Que de volupté! répondit-il. Nous entendîmes ces exclamations, et la circonstance nous inspirant, nous prîmes de concert, sans nous être consultés, le sage parti de rendre nos témoins nos complices; nos belles saisirent la vieille tante, la renversèrent sur le lit de repos; je me jetai sur elle; aussi brave que Curtius je me précipitai dans ce gouffre pour le salut de la patrie. Le prélat était italien: mon attitude, les deux globes que j'offrais à sa vue, ne lui permirent pas d'hésiter; il se crut Jupiter et je fus Ganymède; et Valbouillant, pour compléter le tableau, lui rendit ce qu'il me prêtait; cependant Babet, voyant sa tante assujettie par le poids de trois corps, de manière à ne pouvoir se refuser à la bonne fortune imprévue qui lui arrivait, se saisit d'une des poignées de verges dont nous étions toujours pourvus, et en chatouilla le post-face de Valbouillant, pendant que sa femme, renversée sur la partie vide du lit, nous découvrant les trésors de sa gorge d'albâtre et l'ivoire de ses cuisses, se prêtait à l'intromission d'un doigt caressant que je glissai à travers l'ébène de son taillis, sans cependant que je quittasse la brèche de l'antique citadelle où j'étais logé. La vieille qui, tout d'abord, voulait me mordre, me dévisager, prit enfin son mal en patience. -- Bonté divine! s'écria-t-elle en remuant la charnière, ah! chien... mon doux Jésus... quel dommage que ce soit un péché... -- Dis plutôt quel bonheur! criait le prélat, me rendant les mouvements de Valbouillant; va, rien ne vaut le fruit défendu... -- Je me damne! reprit la vieille toujours tordant le croupion.-- Va toujours, j'ai les cas réservés. Sur la parole du saint prélat, la vieille se résigne, me serre, s'agite et m'arrache une libation, qu'elle me rend avec usure. L'évêque et Valbouillant arrivent au même instant au comble du plaisir. Mme Valbouillant, qui nous avait précédés, se lève alors, et va avec la jeune Babet féliciter la vieille tante de la bonne fortune inattendue qu'elle venait d'avoir; il y avait trop de témoins du plaisir qu'elle venait de prendre pour qu'elle en pût disconvenir. Elle se prêta donc au baiser que lui donna sa nièce, et borna ses remontrances à lui dire: -- Tâche du moins que personne ne s'en doute. -- Ne craignez rien, répartis-je, vous voyez comme nous traitons les curieux. -- Je ne crois pas, dit le prélat, la méthode sûre pour les corriger. Dès ce moment la confiance s'étant établie entre nous, la contrainte fut bannie; le prélat fut l'âme de nos orgies: le long séjour qu'il avait fait en Italie lui avait donné une profonde théorie de tous les genres de volupté, et joignant la pratique à ses rares lumières, il nous fit essayer avec succès trente attitudes dignes d'exciter le pinceau des Clinchet et modernes. Valbouillant était dans l'ivresse et sa femme proposa au saint homme de le réconcilier avec les plaisirs naturels. La politesse l'empêcha de refuser; pour le récompenser de sa complaisance, je le socratisai pendant sa besogne, et Babet, couchée sur Valbouillant qui s'était jeté à la renverse sur le lit à sa portée, offrait à son oeil lubrique deux jumelles dont Ganymède aurait été jaloux. La tante, pour ne pas rester oisive, d'une main chatouillait les témoins de Monseigneur, et de l'autre s'escrimait à coups précipités d'une poignée de verges, qui sillonnant le bas de mes reins redoublaient ma vigueur. -- Eh bien, dit Valbouillant, à l'instant qu'il touchait à la dernière période de la volupté, que dites-vous de ma femme? -- Que dans le Paradis elle enlèverait à Madeleine toutes ses pratiques. La soirée s'avançait, le prélat se rhabilla et nous ayant comblés de caresses, il retourna à son palais, remerciant la tante de Babet des plaisirs que lui avaient procurés son inquiétude et ses scrupules, et avant de nous quitter, il lui fit présent d'un suppléant qu'une abbesse qu'il protégeait lui avait envoyé pour modèle, le priant d'en faire faire une douzaine pour le service de sa communauté. La bonne tante, après quelques cérémonies, l'accepta et nous lûmes dans ses yeux qu'elle en ferait plus d'usage que de son chapelet. Nous fîmes un léger repas et nous allâmes nous coucher après avoir bien ri de la fortune de la vieille. Le lendemain, à peine étais-je éveillé, qu'on me remit une lettre du prélat. La voici: "Sur le compte avantageux qui nous a été rendu, monsieur, de l'application que vous avez montrée pendant vos études, des progrès que vous avez faits dans la philosophie, la physique et la morale, des dispositions que vous avez à devenir profond dans la théologie, nous croyons qu'il est de notre devoir pastoral de retirer de dessous le boisseau une lumière naissante telle que vous, et de la placer sur le chandelier. Pour vous mettre à même de développer et d'accroître vos talents, je vous offre auprès de moi la place de lecteur; je me charge de votre sort jusqu'à ce que quelque bénéfice honnête venant à vaquer soit votre récompense. L'éducation du fils de M. Valbouillant peut être confiée à d'autres mains, et ce serait un larcin fait à l'Eglise que de lui dérober un sujet qui doit faire sa gloire, je ne vous renfermerai pas dans le seul emploi de lecteur; j'ai fort à coeur un ouvrage auquel je me livre avec un zèle ardent; vous serez mon collaborateur. Je crois l'offre trop avantageuse pour que vous la refusiez; vous pourrez toujours continuer vos bons offices à M. et Mme Valbouillant: ce sont des gens estimables dont je chéris les moeurs, et je vous seconderai de tous mes efforts." L'offre, en effet, m'était avantageuse; mais je regrettais de quitter la bonne Valbouillant, la petite Babet, le père de famille même; ils m'aimaient tant, ils m'avaient procuré des plaisirs si vifs, si variés... J'allai donc leur montrer la lettre, m'en remettant à leur décision pour accepter ou refuser le parti; ils furent aussi affligés que moi; mais refuser à l'évêque dans un pays où les prêtres peuvent tout, était trop dangereux; il fut donc arrêté que je me rendrais auprès de Sa Grandeur et que je ferais mes efforts pour m'échapper souvent et jouir avec eux des plaisirs que je leur avais fait connaître. Je ne répondis donc point à la lettre du prélat; je m'habillai avec soin, et les yeux baissés, le front modeste, je me rendis chez le saint homme. Dès qu'il me vit, d'un air grave il me dit de passer dans son cabinet intérieur; et se hâtant de se débarrasser du promoteur et de l'official qui l'entretenaient de quelques affaires de diocèse, il vint me rejoindre, ayant défendu qu'on l'interrompît avant qu'il sonnât. Dès que nous fûmes seuls, son visage perdit toute sa gravité épiscopale, il m'embrassa avec transport: -- Eh bien, mon ami! mon cher Hic et Hec, me dit-il, nous vivrons donc ensemble, n'y consentez-vous pas? -- Les désirs de Monseigneur sont des ordres pour moi. -- Bon, entrez donc en exercice de vos fonctions de lecteur. Il me remet la satire de Pétrone, ouverte à l'endroit qui a fourni la jolie scène des amours d'été, me fait prosterner sur une pile de carreaux, et pendant que je lis, réalise avec moi la scène dont il entend le récit; il la pousse jusqu'au dénouement, et prenant ensuite le livre, il se met à ma place et je lui dis que je sais aussi bien attaquer que soutenir l'assaut; nous nous rajustons et nous approchant d'un bureau, sur lequel étaient amoncelés plusieurs casuistes, il me fait asseoir, sonne, et dit au valet de chambre qui arrive, qu'il peut laisser entrer, et pendant que plusieurs personnes, grands vicaires et autres, sont introduites: -- Je suis content, me dit-il, comme en continuant une conversation. Vos principes sont les vrais, vous avez approfondi la matière et quelques années de travail encore vous vaudrez Sanchez. Messieurs, poursuivit-il, en s'adressant aux arrivants, voilà un jeune homme qui me donne de grandes espérances, depuis une heure que je l'examine pour m'assurer de ses talents, je ne l'ai pas trouvé un instant en défaut! il pousse un argument avec force, le soutient avec fermeté, et je crois qu'il fera un grand honneur à l'Eglise. Je l'ai pris pour mon lecteur, et, après notre dîner, je lui donnerai les quatre mineurs; quand on trouve des sujets il ne faut pas les faire languir. Tout le monde me combla d'éloges pour plaire à mon patron; je me couvris du manteau de cette modestie hypocrite qu'on aime à trouver dans un jeune homme, mais dont les gens instruits sont rarement les dupes. En sortant de table, l'évêque me tint parole, je me trouvai sous-diacre, sans avoir fait d'autre séminaire que sur les coussins de Monseigneur et dans le boudoir de Mme Valbouillant. Le prélat me permit d'aller lui faire part de mon avancement, et me rappelant, il me dit tout bas: -- J'irai chez eux quand je serai débarrassé de nos importuns, prévenez-les pour que nous puissions n'être qu'entre nous. Je m'inclinai avec respect et je sortis. Je fus reçu avec transport par mes amis; Valbouillant et sa femme m'accablaient de questions; j'y répondis de mon mieux et je leur dis par quelle voie j'étais entré dans les ordres, ajoutant que l'évêque viendrait leur dire, dès qu'il serait libre, ce qu'il avait fait pour leur protégé. Babet qui survint me couvrit de baisers et si je m'en étais cru, je n'aurais pas différé à leur marquer ma reconnaissance de la part qu'ils prenaient à mon avancement; mais l'incertitude du moment de l'arrivée du prélat, le désir de lui faire faire une orgie complète, nous firent suspendre nos plaisirs. Il ne se fit pas attendre; alors la porte fut fermée pour tout le monde; on lui fit des remerciements et des reproches (ce qu'il faisait pour moi ne dédommageait pas de ce qu'on perdait à mon absence). Le saint homme promit que je pourrais les voir souvent et qu'il joindrait ses efforts aux miens pour égayer leurs moments. Après ces premiers propos, on fit venir Babet, qui d'abord s'était retirée par respect, et, profitant de la chaleur du climat, sur l'avis du prélat, nous quittâmes les pompes du luxe, et nous nous mîmes dans l'état où étaient nos premiers parents dans l'Eden avant que la pomme fatale leur eût appris qu'ils étaient sans vêtements. On eût dit, en regardant Mme Valbouillant, que c'était la Volupté sous la livrée de la Fraîcheur; ce qui manquait à la légèreté de sa taille était bien compensé par la finesse de sa peau, la fermeté des chairs, l'appétissant des formes arrondies et le tempérament que ses yeux pétillants et l'humidité de ses lèvres vermeilles annonçaient; pour Babet, l'Albane ou le Boucher l'auraient prise pour la plus jeune des Grâces, sa taille svelte et déliée n'avait pas encore la perfection des formes, mais on voyait que deux ans encore leur donneraient cette rondeur qu'on ne trouve point dans l'extrême jeunesse; des cheveux d'un noir de jais, et tombant par grosses boucles au-dessus de ses mollets, formaient autour d'elle un voile transparent qui rendait encore plus touchants les charmes dont ils couvraient une partie. Le prélat ne put tenir contre ce charmant objet; elle fut la première à recevoir son hommage. -- Tâchons, dit alors l'évêque, de remplir par quelque récit amusant l'intervalle que la nature exige entre le plaisir et la renaissance des désirs; je vais vous raconter une aventure qui m'est arrivée quand j'étais au séminaire. -- Ecoutons. Et l'on s'assit autour du prélat. J'avais, dit-il, seize ans; j'étais assez joli, et ma tante, chez qui je passais communément les vacances à sa terre, s'amusait souvent à m'habiller en fille, et faisait prendre mes habits à Faustine, sa fille; elle était de mon âge, avait la taille élancée, et, pour la tournure et les grâces, ressemblait beaucoup à la gentille Babet. Ces travestissements avaient établi entre nous une liberté dont nous ne manquâmes pas de profiter. Faustine avait du tempérament comme Babet; j'étais ardent comme Hic et Hec. Ma tante n'était pas ombrageuse; son directeur la consolait de l'ennui de son veuvage, et quand il venait passer quelques jours au château, nous étions encore plus libres, ma tante désirant jouir dans la retraite des pieuses exhortations du saint homme. Nous allions souvent nous promener en cabriolet, ma cousine et moi, dans les maisons du voisinage: il nous était même permis de découcher quelquefois, le voisinage étant habité par des amis de ma tante. Un jour que le père en Dieu était à la maison, il nous prit fantaisie d'aller nous promener, ma soeur et moi (c'est ainsi que je nommais Faustine); la fontaine de Vaucluse était l'objet de notre curiosité, et nous dîmes à ma tante que nous reviendrions coucher à moitié chemin, chez une vieille parente qu'elle aimait beaucoup. Nous nous arrêtâmes dans un cabaret, à deux lieues de la route, pour déjeuner. Pendant qu'on le préparait, l'idée me prit de troquer d'habits avec Faustine, qui m'avait paru la veille charmante en abbé. -- Volontiers, si cela t'amuse, mon frère, me dit-elle; mais je n'ai point ici ma femme de chambre, comment ferons-nous? -- Bel embarras, je t'en servirai. -- Oui, mais la décence! -- Qui est-ce qui le saura? tu ne te méfies pas de moi? -- Non, sans doute; mais cependant je ne voudrais pas que tu visses tout à fait... -- Comme tu es faite, n'est-ce pas? va, je m'en doute. -- Je le crois bien; mais... -- Tu te doutes bien comme je suis. -- J'en ai quelques idées, mais point de certitude. -- Et qui nous empêche de satisfaire notre curiosité? -- Mais maman... -- Crois-tu qu'elle se gêne avec le révérend père Cazzoni! -- Oh! je ne veux pas pénétrer ses secrets. -- Nous ne l'instruirons pas non plus des nôtres; allons, quitte tes jupes et ton corset. -- Au moins tu seras sage. -- Oui, mais je veux tout voir. -- Soit, mais tu satisferas aussi ma curiosité? -- De toute mon âme; mais tu n'en diras rien? -- Non, jamais, ni toi non plus. -- Je te le jure! Et nous voilà à nous déshabiller avec empressement; mon habit était à bas, son fichu et son corset étaient enlevés, nous commençâmes par comparer nos seins. -- Ah! Faustine, les deux charmants hémisphères, que ces boutons qui représentent les pôles sont frais et vermeils, que ces veines bleues relèvent l'éclat de cet albâtre sur lequel elles sont tracées, et je serrais ces charmantes fraises entre mes lèvres caressantes. -- Finis donc, mon frère; tu me jettes dans un trouble... je ne pourrais pas finir de me déshabiller. J'obéis en la dévorant des yeux. -- Mais travaille donc aussi, dit-elle, d'un ton impatient: tu ne fais que me regarder, et je serai déjà toute nue que tu auras encore ta culotte. Je fis ce qu'elle ordonnait, et j'avais ôté mon caleçon qu'à l'instant ayant enlevé ses jupes, elle se dépouillait de sa chemise; nos yeux se portèrent simultanément vers le point central. -- Ah! que c'est joli, m'écriai-je en portant une main avide sur la mousse naissante qui commençait à couvrir le portique du plus joli temple de l'amour! -- Ah! que c'est beau, dit-elle en serrant dans sa main l'image brillante du serpent qui tenta notre première mère; comme cela est dur! cela se découvre, et ce qui est au-dessous, à quoi cela sert-il? Ses attouchements me mettaient dans un état qui ne me permettait pas de lui répondre. Et de mon côté j'examinai l'objet intéressant qu'elle offrait à ma vue; j'avais commencé par fermer la porte au verrou et je la décidai sans peine à se placer sur le lit pour que nous puissions réciproquement continuer notre examen. -- Cela, lui dis-je, est destiné par la nature à s'ajuster dans la partie où je tiens mon doigt. -- Ah! comme ce doigt me chatouille! regarde. -- En effet, veux-tu que j'essaie?... -- Dam... je le voudrais bien, mais si maman le savait! -- Et qui le lui dira? ce ne sera pas moi, sûrement. -- Eh bien! eh bien! essayons. -- Soit, essayons! Alors, avec toute la gaucherie de l'ignorance et toute l'ardeur de l'amour, nous cherchons à nous mettre en besogne; la crainte de blesser Faustine arrêtait mes efforts dès qu'elle témoignait de la douleur; elle me rappelait, mais toujours la même difficulté se présentait. Enfin, je me souvins qu'au collège mon régent de seconde, voulant badiner avec moi, s'était mis en frais de satire et m'avait appris ce proverbe: _Col patenzia et la supa si chiavarebbe una mosca_. Je pris un morceau de beurre frais qu'on nous avait apporté avec des radis, et grâce à ce secours, je renouvelai mes efforts. Faustine s'arme de courage, résiste sans fuir; la tête de ma colonne force la barrière; je redouble, le bélier pénètre, la muraille s'entr'ouvre, les désirs escaladent la brèche et s'y logent en arborant le drapeau des plaisirs. Nous trouvions ce jeu si doux que nous avions de la peine à le quitter; mais la crainte que la fille de l'auberge ne nous surprît en apportant ce qu'on nous préparait pour déjeuner, nous força de nous rhabiller. Je pris la chemise de Faustine, qui s'affubla de la mienne; elle se chargea de ma coiffure, moi de la sienne, et quand on vint nous servir, elle offrait aux yeux un petit abbé, et je paraissais une assez jolie fille. Faustine, pour se conformer à son nouveau costume, prit l'air d'un jeune étourdi, et y réussit mieux que moi quand je voulus prendre l'air de réserve convenable à mon habit. La servante qui porta notre déjeuner avait la gorge ferme, la jambe fine, le bas bien tiré et la jupe courte, comme l'ont d'ordinaire nos jolies Venaissines. Faustine la lutina; Javotte paya d'une tape l'agilité de ses mains. Le nouvel abbé ne se rebuta pas, et levant sa jupe par-derrière, toucha l'endroit sensible. -- Qu'est-ce donc? petit fripon, sans le respect que j'ai pour mademoiselle votre soeur, je vous corrigerais de la bonne façon; voyez un peu le beau morveux! -- Ah! ne vous gênez pas, repris-je en riant, c'est un petit libertin, je ne prendrai pas sa défense. Alors Javotte vous l'empoigne d'un bras vigoureux, et en un clin d'oeil déboutonne sa culotte, l'abat et lui donne deux bonnes claques, et cherchant ce qui le rendait si insolent, elle jette un cri de surprise en ne trouvant qu'une jolie grotte où elle croyait trouver un rocher sourcilleux. -- Ah! pardon, mademoiselle, si j'avais su ce que vous étiez, je n'aurais pas fait la bégueule, et si cela vous amuse, vous êtes la maîtresse. Faustine, pour ne pas la désobliger, consentit à recevoir de bon gré ce qu'elle avait d'abord voulu ravir, et d'un doigt obligeant lui rendit le même bon office qu'elle en recevait. Pendant qu'elles s'occupaient, je pris la parole et je dis à Javotte que nous étions soeurs et que nous allions voir une de nos parentes dans l'intention de la divertir par ce travestissement, et je lui donnai un écu pour nous garder le secret. -- Ah! de bon coeur, dit-elle; mais vous êtes trop jolie pour n'être que spectatrice, et elle voulait passer sa main sous ma jupe. -- Non, Javotte, je vous remercie, il y a des empêchements. -- Des nouvelles de Rome peut-être? -- Précisément. -- Qu'importe, j'ai là de l'eau, les mains sont bientôt lavées. -- Oh! non, jamais dans cet état... -- Vous ne me ressemblez guère, c'est le temps où je suis la plus ardente. Voyant qu'il n'y avait rien à faire avec moi, elle nous servit. Nous mangeâmes à la hâte et nous partîmes. Nous rîmes fort dans la voiture du succès de la témérité et de l'embarras où m'avaient jeté les offres de Javotte; nous interrompions nos rires par le tendre souvenir des caresses que nous nous étions prodiguées, et des lumières que nous avions acquises. Ces idées m'occupaient trop pour songer au chemin, et une malheureuse ornière où la roue tomba pendant que j'embrassais Faustine, donna une telle secousse qu'une de nos soupentes se rompit. Force nous fut de nous arrêter, un baiser ne pouvait pas rétablir la fracture. Nous ne savions à quel saint nous vouer, et le plus petit sellier du village nous aurait été plus utile que l'intercession de tous les bienheureux des litanies. Nous grommelions entre nos dents, quand nous vîmes se promener, sur la gauche, un châtelain du canton, en perruque ronde, chapeau et souliers gris, une grande canne à la main, surmontée d'un échenilloir; sa mine annonçait près de cinquante ans. Sa moitié, la tête enfouie dans une énorme calèche garnie de ruban coquelicot, s'avançait majestueusement soutenue sur un bambou. Cette dame, majeure depuis dix ans, s'efforçait depuis trois lustres de donner un héritier à l'illustre famille Cornucio, dont son époux était le chef. Mais la Providence se refusant à leurs désirs, n'avait point étouffé dans son âme l'espoir de réussir en s'attachant un collaborateur, quand l'occasion s'en présenterait. Ce digne couple ayant aperçu notre accident, s'avança pour nous offrir les secours qui dépendaient de lui: nous nous trouvâmes heureux de leur zèle obligeant; leur domestique conduisit au château notre cabriolet délabré, et nous, nous nous joignîmes au couple Cornucio dans leur promenade: la dame s'empara du bras du feint abbé et le mari saisit le mien; à mesure que nous approchions du château, leurs yeux s'animaient, leurs coudes pressaient nos bras sur leurs coeurs; leurs voix devenaient agitées et leurs discours flatteurs. Arrivés au castel on s'occupa de nous loger; ils n'avaient que deux petites chambres à nous donner, l'une attenant à la chambre de madame, l'autre à celle de monsieur; il paraissait tout naturel de loger l'abbé près de celle du mari et la prétendue demoiselle près de la dame, mais d'un commun accord ils en décidèrent autrement, comptant chacun tirer parti du voisinage. J'aurais pu, en changeant le soir de chambre avec Faustine, contenter tout le monde et cacher le mystère de mon travestissement; mais l'idée qu'elle serait dans les bras de ce vieux satyre me révoltait trop; j'aimai mieux attendre l'événement et prendre conseil des circonstances. Cornucio et sa femme nous accablèrent de prévenances toute la soirée, et après le souper qui fut arrosé de très bon vin, ils nous menèrent dans nos chambres. -- Soyez bien sage, mon cher petit abbé, dit la dame en embrassant Faustine, il n'y a qu'une mince cloison entre votre lit et le mien, j'entendrai tout; et puis, lui dit-elle à l'oreille, la porte qui nous sépare ne ferme pas. Le mari me fit les mêmes confidences, et m'ajouta qu'il était somnambule, en me serrant fortement la main, puis il se retira. Je ris de sa méprise et je me couchai. Faustine en fit autant dans sa chambre avec laquelle j'étais bien fâché de n'avoir pas communication, car nos chambres étaient aux deux bouts de la maison, il fallait traverser un corridor le long de l'appartement, de la salle à manger et de celui du maître. A peine avais-je fermé l'oeil que j'entendis marcher dans ma chambre, et s'avancer près de mon lit; je sentis que j'allais avoir à combattre; je saisis le pot de chambre, dont j'avais fait usage en me couchant, et quand Cornucio voulut ouvrir mon lit pour s'y placer, j'avançai le bras et le coiffai du vase, et, traversant à toutes jambes le corridor, j'arrivai à la porte de Faustine, que j'enfonçai d'un coup de genou; je la trouvai se débattant comme le chaste Joseph avec la femme de Putiphar; elle était si bien enveloppée dans ses couvertures que notre lascive hôtesse n'avait pas découvert son sexe. La dame, à mon abord, parut médusée; je me plaignis amèrement de la violence que son mari avait voulu me faire éprouver, et je grondai mon soi-disant frère de l'impudeur avec laquelle il osait abuser des bontés de notre respectable hôtesse. -- Moi, ma soeur, s'écria le faux abbé, le ciel m'est témoin que c'est madame qui voulait. -- J'ai cru vous entendre gémir; craignant que vous ne fussiez incommodé, je suis vite accourue pour vous donner les secours qui dépendaient de moi. -- Votre mari, madame, ne vous le cède pas en charité; mais je ne désempare pas de la chambre de mon frère, lui seul peut me protéger contre l'impudicité de votre mari. -- Couche-toi, ma soeur, me dit Faustine, je me mettrai dans un fauteuil près de ton lit pour te défendre; j'espère que madame y voudra bien consentir, et souffrir que nous reposions jusqu'au point du jour. Alors nous quitterons une maison où l'innocence est si peu respectée. La dame, après quelques excuses maladroites, sortit et ayant barricadé nos portes, nous nous jetâmes dans les bras l'un de l'autre, et nous savourâmes à loisir l'ivresse des plaisirs dont nous avions pris un échantillon dans l'auberge. Le lendemain, à la pointe du jour, ayant repris les habits de notre sexe, nous partîmes sans prendre congé de nos hôtes libidineux, et notre soupente raccommodée nous ramena chez ma tante, où j'achevai de passer voluptueusement la fin des vacances, après avoir assisté aux noces de mon aimable cousine, dont le mari, nerveusement conformé, ne s'aperçut point que j'avais frayé le sentier qu'il parcourut encore avec peine. Nous avions repris nos forces pendant l'histoire du prélat, et tour à tour pendant la soirée nous nous enivrâmes de tous les plaisirs qu'offrent la nature et la débauche à des gens qui, pleins de vigueur et vides de préjugés, loin de rien refuser à leurs désirs, les irritent par la recherche de toutes les possibilités voluptueuses. A quelques jours de là, mon prélat, près duquel je remplissais avec zèle les fonctions dont il m'avait chargé, m'avertit que j'avais à me préparer à le suivre à Bédarrides, sa maison de plaisance, à trois lieues d'Avignon, où il allait se reposer pendant une quinzaine des travaux de l'épiscopat; que j'y trouverais sa soeur, femme de qualité de Bénévent, et sa fille, chanoinesse des plus hautaines, mais ayant toutes les grâces de son état. Il me confia que sa soeur, femme de trente-cinq ans, encore belle et fraîche, suivant toutes les apparences, me trouverait à son gré, et qu'il espérait que je l'aiderais à lui faire les honneurs de sa maison; que pour la fille, elle avait la fraîcheur de ses dix-sept ans, le sourcil noir, l'oeil vif, les lèvres humides et les plus heureuses dispositions pour marcher sur les traces de sa mère, mais que la fierté de ses soixante-quatre quartiers l'avait jusqu'alors empêchée de céder, parce qu'elle avait toujours trouvé quelque lacune dans l'arbre généalogique de ses soupirants; quoique l'état de chanoinesse qu'elle avait embrassé, vu son peu de fortune, l'eût fait renoncer au mariage, et que le manuel des solitaires, ou les simulaires usités dans les couvents dussent être son unique consolation. Je la plaignis d'un préjugé si contraire au voeu de la nature, à l'humilité chrétienne. -- Je compte sur vous, mon cher Hic et Hec, pour l'en guérir, me dit-il; votre tournure, votre mine séduisante, vos profondes connaissances dans l'art de la volupté, peuvent seules ramener au bercail cette brebis égarée. -- Et comment y pourrai-je parvenir? moi, sans nom, sans titres, sans aïeux, le mépris sera le premier sentiment qu'elle éprouvera pour moi. -- J'en fais mon affaire, j'ai mon roman tout prêt: c'est un jésuite, missionnaire dans l'Inde, qui, revenant du royaume de Pégu, vous aura ramené de ce pays par l'ordre d'un prince dont vous êtes le fils naturel, pour être élevé dans la religion chrétienne, que son éloquence lui a fait embrasser. -- Si cette mystification amuse Monseigneur, je ne saurais qu'obéir. -- On t'en devra de reste pour ta complaisance: Laure est faite au tour et n'a contre elle que l'excès de l'orgueil; je te mets à même de l'initier, mais c'est à la même condition que Valbouillant a mise à l'éducation de Babet et que tout sera commun entre nous quand tu l'auras guérie de ses préjugés. Cela me parut plaisant, et je promis au prélat tout ce qu'il voulut. -- Il me vient une idée originale, dit mon évêque; si pour étayer notre ruse, je glissais dans la conversation que tous les princes de sang de Pégu ont sur le corps un signe qui prouve leur origine. -- Un signe, et lequel, s'il vous plaît, Monseigneur? -- Parbleu! une tête d'éléphant blanc sur le bas-ventre, au-dessous du nombril; le peintre qui vient de faire mon portrait t'en dessinerait bien une là. -- Quelle folie! -- Je lui ferai naître le désir de voir ce phénomène, et je ne doute pas que la trompe menaçante de l'animal, faisant remarquer sa force et son élasticité, ne parvienne à l'intéresser. Ainsi dit, ainsi fait. Le peintre, dès le lendemain, se mit à l'ouvrage, et deux jours après, mon ventre offrit la plus belle tête d'éléphant qu'on pût voir, et monseigneur examinant le chef-d'oeuvre du peintre et badinant avec la trompe de l'animal, elle prit sous ses doigts sacrés une consistance qui le ravit. Nous fîmes le soir une visite à Mme Valbouillant; on admira la nouvelle peinture; heureusement elle était à l'huile, sans cela, à l'usage répété que je fis de la trompe, le tableau aurait disparu. La petite Babet, qui n'avait jamais vu de pareils animaux, ne se lassait pas de l'examiner, et trouvait qu'on en pouvait tirer aussi bon parti que du manche du moussoir. La pauvre enfant, peu versée dans les arts, ramenait tout à la nature. Le couple voluptueux, que le prélat instruisit du motif de cette peinture et de la mystification projetée, promit de la seconder et de nous suivre à cet effet à la maison de campagne de Sa Grandeur, qui, depuis son admission à nos orgies, ne pouvait se passer des plaisirs que le libertinage de notre imagination variait sans cesse. Il fut aussi décidé que la gentille Babet serait du voyage; chaque jour développait en elle de nouveaux charmes, ses formes s'arrondissaient, sa gorge se remplissait, et l'usage de la volupté avait donné de la finesse et de l'énergie à ses regards, d'abord incertains et timides. Ses mains, qu'on n'employait plus aux travaux grossiers de sa première jeunesse, avaient gagné de la blancheur; et la finesse de sa peau, l'agilité de ses doigts délicats, lui donnaient plus de grâce à manier le sceptre de l'amour que n'en montrait Hébé à toucher la massue d'Hercule. Le lendemain, nous partîmes, le saint prélat et moi: sa soeur et sa nièce étaient arrivées deux heures avant nous, nous les trouvâmes dans le salon; la mère couchée sur une ottomane, lisait d'une main un petit in-16 qu'en nous apercevant elle mit dans sa poche, et l'autre main reparut. La jeune chanoinesse, courbée sur un métier, brodait sur un sac à ouvrage le blason de ses armes, avec toutes les alliances écartelées. L'évêque, les ayant embrassées, me présenta comme un prince péguan, que le roi, mon père, nouveau converti, faisait passer en Europe, pour s'instruire dans la foi et dans les arts, qui font la gloire de notre heureuse patrie. Ce titre de prince du bout du monde et cousin de l'éléphant blanc, prévint en ma faveur l'auguste chanoinesse; mes yeux vifs et pétillants, mes cheveux bruns et fournis firent aussi leur effet sur la mère; l'une me demanda des lumières sur les armoiries de Siam et du Pégu, l'autre sur le costume des Bayadères et sur la forme des chaises longues de l'Inde. J'y satisfis de mon mieux, d'après ce que j'avais lu dans les _Voyageurs_. Après le repas, pendant lequel on admira tout ce que je disais, s'étonnant qu'un jeune homme né aux Indes pût s'exprimer avec bon sens et facilité, on put se promener dans un bosquet délicieux près du salon; la commission Magdalani me choisit pour écuyer, et l'évêque prit le bras de la chanoinesse, et lui parla de manière à la prévenir en ma faveur. La mère, cependant, me questionna sur les moeurs de Pégu, sur la tournure des belles, sur les procédés qu'on y suivait en amour; je l'assurai que les femmes grosses y étaient le plus recherchées (elle l'était); que les hommes ne se permettaient aucune avance vis-à-vis d'elles, de crainte d'être importuns; mais qu'ils répondaient avec transport à celles que les belles leur faisaient. -- Comment, si j'étais péguane, si vous me trouviez aimable, vous ne me le diriez pas? -- J'aurais trop peur de vous offenser. -- Comment donc faut-il que la femme se conduise pour enhardir l'homme pour lequel elle se sent du goût? -- Elle le regarde en baisant le bout du doigt de sa main gauche, et le cavalier s'approche avec timidité. -- Et la dame alors? -- Elle porte la main droite sur son coeur. -- Comme cela? -- Précisément. -- Je fais donc bien? -- A ravir. -- Et le cavalier? -- S'il est seul avec la belle, il se jette à ses genoux, obéit à ses ordres sans oser les prévenir; mais s'il est devant témoins, il feint de ne rien entendre, et gémit les yeux baissés. -- Vous les avez à présent? -- Exactement de même. -- Fort bien. Mon frère, dit-elle à l'évêque qui nous suivait avec sa fille, que je ne vous empêche pas de vous promener, je me sens un peu fatiguée, je vais me reposer sur ce gazon; le prince Hic et Hec achèvera de m'instruire des coutumes de l'Inde, vous nous retrouverez ici ou au salon. -- Soit, dit l'homme de Dieu s'éloignant, en souriant, avec sa nièce. -- Reprenons notre leçon indienne, dit la signora. N'est-ce pas comme cela? dit-elle en baisant son doigt gauche. -- Oui, si j'ai le bonheur de vous plaire. -- Ne faut-il pas mettre la main sur mon coeur? -- Oui, si vous voulez que j'ose beaucoup. -- Voyons. Et elle fait le signe encourageant, en se couchant sur le gazon: je m'y précipite avec elle, mes mains actives éloignent tous les obstacles, et bientôt nous ne faisons qu'un. -- Vive la méthode indienne, comme elle abrège les formalités! Et me serrant, me pinçant, me mordant, elle arrive à la période désirée, et se pâme en bénissant Brahmâ, Vishnou et tous les dieux de l'Inde; bientôt revenue à elle: -- L'abbé, me dit-elle en me serrant contre son sein, cher abbé! comment les femmes dans l'Inde prouvent-elles qu'elles sont satisfaites? -- En recevant avec transport un nouvel hommage. -- Presque sans se reposer!... Ah! je retourne avec vous au Pégu, dit-elle en s'arrangeant pour me témoigner sa reconnaissance. Elle se trouvait bien des moeurs de l'Inde, et je lui parus mieux valoir que le livre qui l'occupait lors de notre arrivée; puis se relevant et rajustant le désordre de sa toilette, elle s'appuya sur mon bras pour retourner au salon. Elle avait été trop occupée des choses solides pour s'être distraite au point d'observer la peinture éléphantine. Elle m'entretint d'un ton plus calme des diverses religions de l'Asie. Je lui parlai de la secte des multiplicantes et de la communauté des plaisirs qu'on voit établie dans les familles de cette caste. -- Comment, dit-elle, la mère dans les bras du fils, la fille dans ceux du père!... -- Eh! madame, rappelez-vous d'avoir lu quelque part: "Qui doit goûter des fruits d'un arbre, si ce n'est celui qui l'a planté?" -- Il est vrai; mais le préjugé! -- Tient-il contre la loi du créateur? -- En est-il qui permette à un père, à une fille, à un frère, à une soeur?... Fi donc; cela répugne.-- A qui donc a-t-il dit: "Croisez et multipliez?" N'est-ce pas à Adam, à Eve, à ses fils, à ses filles? il ne regardait donc pas l'inceste comme un crime, puisqu'alors il le commandait. -- Comment? mais en effet. -- La volonté du ciel peut-elle être versatile? Ce qui fut un précepte dans un temps, peut-il être forfait dans un autre? Disons plutôt, puisque la nature nous a donné du penchant pour les êtres d'un autre sexe, sans égard à la parenté, que c'est la politique seule, qui, pour faire communiquer entre eux les hommes disposés par la nature à prendre les plaisirs qu'ils avaient sous la main, et qu'ils trouvaient au sein de leur famille, a interdit ces unions rapprochées, pour réunir par le besoin du plaisir des êtres qui sans ce besoin ne se seraient jamais rapprochés; que les législateurs ont prohibé, par des vues humaines, des unions qui tenaient les familles isolées les unes des autres et que l'intérêt des gouvernants, et non le voeu du créateur et de la nature, ont transformé en crimes des penchants naturels et par conséquent innocents. Observez encore que suivant la loi du peuple juif, il était ordonné au frère d'épouser la veuve de son frère, et qu'ainsi la même femme devait passer de frère en frère, tant qu'elle survivrait à son époux, et vous osez faire un crime à présent à un cousin d'amuser sa cousine, si le vicaire du Rédempteur ne lui accorde la dispense à prix d'argent; mais ce Rédempteur n'a-t-il pas dit selon les livres saints: "Je ne suis point venu pour changer la loi, mais pour l'accomplir." J'étais lancé; et dans l'habitude de disputer sur les bancs, j'aurais passé d'arguments en arguments, si le prélat n'était rentré avec sa nièce, vis-à-vis de laquelle il avait je crois soutenu la même thèse, si j'en juge par le feu de leurs yeux et la rougeur de leur teint plus animé que de coutume. La signora Magdalani s'en aperçut, et n'en osa rien témoigner, la richesse et le crédit de son frère, les secours qu'elle en recevait, la rendaient réservée, et elle savait que l'exemple qu'elle donnait à sa progéniture ne l'autorisait pas à marquer beaucoup de sévérité. -- Eh bien! dit le prélat, comment vous trouvez-vous, ma soeur, de l'entretien du prince Hic et Hec? Etes-vous bien instruite des coutumes et des moeurs de l'Inde? -- Je suis très satisfaite de ses lumières, il est lucide, précis et d'une philosophie... -- C'est un puits d'érudition, et sa morale? -- Bizarre, fondée en principes: savez-vous bien qu'il m'affranchit de bien des préjugés. -- C'est son fort; mais, voyons lesquels? -- Je ne puis, devant ma fille... -- Quel enfantillage! elle est d'âge à tout savoir, et je dis plus, il peut être dangereux de ne pas l'éclairer; que de fautes l'ignorance ne fait-elle pas commettre? Une jeune fille à qui on ne cache rien est plus en état de repousser la séduction, et, si elle y cède, du moins elle évite le scandale, qui, je le dis entre nous, est le plus grand mal moral. Qu'importe à la société que je satisfasse mes besoins physiques ou que je m'en prive, pourvu que je ne nuise pas au bonheur d'autrui, que je ne lui enlève pas sa propriété, que je n'altère pas ses jouissances et que je ne lui cause ni chagrin ni douleur? -- Mon frère, dit-elle en souriant, diriez-vous cela dans vos homélies? -- Oui, quand je parlerais à des gens que je voudrais éclairer; mais en chaire, non, le peuple en masse veut être trompé, l'ignorance aime les prodiges; une religion sans miracles trouverait peu de sanctuaires, et les mystères qui répugnent à la raison entraînent la crédulité du grand nombre; je continuerai à jeter de la poudre aux yeux du peuple; mais je serai loyal et sans scrupule avec mes amis. Laure a dix-sept ans et n'ignore pas sûrement la différence de son sexe et du nôtre; mais les détails lui sont peut-être inconnus, nous nous gênons pour elle, nous affligeons sa curiosité, et peut-être en nous quittant fera-t-elle des questions à sa femme de chambre, qui, moins discrète et moins éclairée, en lui faisant le tableau des plaisirs, ne lui en dépeindra pas les dangers. -- Ah! dit Laure, que mon oncle est aimable! -- Quand elle voit que nous ne lui cachons rien, elle sera sans dissimulation, nous lirons dans son âme et nous pourrons écarter d'elle les dangers sans en éloigner les plaisirs. Votre désir, je le sais, n'est pas de la marier, elle se soumet à vos vues; mais quand elle renonce à l'hymen, soyez sûre qu'elle ne renonce pas aux dédommagements que se procurent tant de jolies prébendières. Plus de gêne devant elle, tant que nous n'aurons pas d'étrangers; quand il en viendra de suspects, remettons vite le masque de la réserve. La signora Magdalani, regardant sa fille d'un oeil caressant: -- Allons, je me rends, puisque mon frère le veut; mais, mon coeur, dit-elle en la baisant au front, ne perds pas l'usage de rougir. Rien ne fait plus d'honneur aux filles et surtout aux mères. -- Allons, ma soeur, c'est convenu; mais voyons sur quoi roulait la conversation avec Hic et Hec. La signora lui répéta ce que je lui avais dit sur la secte des multiplicantes et sur l'inceste. -- Eh bien! ma soeur, n'est-ce pas précisément ce que je vous disais quand vous étiez si fâchée pour quelques espiègleries, qui pourtant vous avaient fait grand plaisir. -- Oh! mon frère, devriez-vous dire cela devant ma fille encore. -- Ah! maman, je m'en doutais, quoique sans oser vous en parler. Je ne pus me retenir à cette naïveté, et saisissant sa main, je la baisai avec transport. La petite rougit. La maman me jeta un regard sévère, qui ne m'en imposa pas. L'évêque, d'un ton tranchant, termina la dispute en disant:-- Fi donc, ma soeur, allez-vous y mettre de l'humeur, il est temps que la petite goûte sa part de nos plaisirs; l'abbé est approchant de son âge. -- Mais, mon frère... Songez-vous? -- Je sais qu'il prendra toutes les précautions nécessaires pour prévenir l'arrivée des petits indiscrets. -- Mais, mon oncle... -- Vas-tu me montrer quelques doutes sur l'ancienneté de sa généalogie?... Rassure-toi, tes soixante-quatre quartiers doivent se trouver honorés de se joindre au cousin de l'éléphant blanc. -- Si du moins je voyais son blason. -- Rien n'est plus facile; les princes de la maison royale de Pégu le portent toujours sur eux. -- Ah! voyons-le donc. -- Allons, Hic et Hec, faites vos preuves. Le baiser que j'avais collé sur la jolie main de la chanoinesse m'avait mis en état de paraître avec gloire. Au mouvement que ma main fit pour mettre en liberté la trompe d'éléphant: -- Quelle indécence! s'écria la mère. -- Regardez son cachet, répondit l'évêque, c'est une tête d'éléphant. J'exhibais cependant mes armoiries. -- Comment, dit la signora, je ne m'en étais pas aperçue. -- Ah! ma soeur, vous avez déjà fourragé dans ce canton? Elle rougit en marmottant: -- Que je suis étourdie. -- Eh bien! considérez plus à votre aise, et vous, ma nièce, vîtes-vous jamais de plus belles armoiries? La mère, surprise, convint que cela était merveilleux, et la jeune Laure interdite et d'une voix syncopée par le désir: -- Cela est beau... le superbe écusson... -- Allons, prince, initiez cette vierge; pendant que vous lui ferez chanter son premier hymne à l'amour, nous battrons la mesure sa mère et moi. Je renversai ma chanoinesse sur le sofa; l'évêque dénoua les cordons de son corset et découvrit à mes yeux éblouis deux hémisphères d'albâtre où des veines azurées traçaient le cours de mille rivières serpentantes; ma bouche en suivit les contours, et en peu de temps parcourut bien du pays. Cependant, de peur de faire fausse route, je mouillai l'ancre dans une mer de délices; et le saint prélat ayant jeté sa soeur sur l'ottomane voisine, s'aperçut de la double libation que j'avais faite. -- Ah! ah! dit-il, ce temple a été souillé par quelque profane; mais avec ce goupillon, je vais le purifier; et rentrant dans le parvis après quelques allées et venues dans la nef, il pénétra dans le sanctuaire, qu'il purifia par une ample aspersion de son eau lustrale. La petite, en ce moment, tourna la prunelle et se raidissant, s'écria: -- Ah! roi de Pégu, que tu as bien fait de te convertir! Quel que fût le délire que me causa son ivresse, la prudence l'emporta sur mes transports, et, docile aux préceptes du vénérable prélat, je répandis ma libation sur l'architrave du portique du temple. La mère et l'oncle me félicitèrent de ma sage retraite; mais Laure m'en paraissant moins satisfaite, je me hâtai de la consoler en me replongeant de nouveau dans l'antre brûlant, qui ne m'avait vu sortir qu'à regret, et je lui procurai une nouvelle émission sans dépense de ma part. L'évêque et sa soeur s'étaient cependant rapprochés de nous, et la dame, baisant le front de sa fille, approchait de mes lèvres une fraise de son sein, que je m'empressai de sucer, pendant que le prélat, d'une main caressante, pressait mon post-face, qu'il socratisait du doigt majeur. Nous nous remîmes après en état décent, et les ablutions nécessaires finies et les toilettes réparées, nous attendîmes l'arrivée de Valbouillant, de sa femme et de Babet, qui ne se firent pas longtemps désirer; les premiers moments de l'entrevue se passèrent en compliments. -- Prince, me dit la gentille Laure, pourquoi mon oncle a-t-il invité ces gens-là? Cela va nous forcer à une gêne que je savais supporter avant l'intimité de notre liaison, mais dont la connaissance des plaisirs va me rendre incapable. -- Rassurez-vous, repris-je, loin de contraindre notre élan vers la volupté, leur présence en variera les formes. -- Mais un homme marié!... la présence du mari doit bien en imposer à la femme. -- Bon, la présence d'une mère doit bien gêner une jeune chanoinesse; cependant... -- Ah! toutes les mères ne sont pas bonnes comme la mienne. -- Oh! tous les maris ne sont pas bons comme Valbouillant. On s'était assis, on s'observait; tous avaient envie de voir la confiance et la liberté s'établir, mais personne n'osait rompre la glace. L'évêque sourit de l'embarras général, et, prenant Laure par la main, la mena à Mme Valbouillant. -- Souffrez, dit-il, que je vous offre une jeune initiée; elle a d'heureuses dispositions, et, docile à vos conseils, elle saura respecter les préjugés en public et s'en dépouiller en particulier. Je demande votre amitié pour elle; bannissant entre nous tout respect humain, soyons dans ma retraite comme nous étions dans votre retraite d'Avignon. -- Vous ne pouvez, répondit Mme Valbouillant, me faire un plus grand plaisir: vous n'attendez personne, je crois? -- Non, et jamais aucun domestique n'entre dans ce corps de logis, si je ne lui en donne l'ordre exprès. -- Bon, en ce cas, et pour cimenter notre union et rendre notre connaissance plus intime et plus prompte, que ne prenons-nous tout de suite l'habit de la vérité? il sera très avantageux à madame et à cette belle enfant. La signora Magdalani feignit un instant d'hésiter; l'évêque la décida en enlevant lui-même son fichu et dénouant son corset; Mme Valbouillant en fit autant à la chanoinesse, dont elle couvrit de baisers la gorge et les bras qu'elle avait d'une rondeur et d'une forme ravissantes, et Monseigneur ouvrant une petite armoire cachée dans le lambris, en tira quatre peignoirs d'une gaze très claire, agréablement ajustés, dont il couvrit nos nymphes, sans dérober leurs charmes à nos regards avides. La signora Magdalani était grande, avait les formes superbes, et semblait entourée des Grâces; on eût pris l'évêque pour l'Apollon du Vatican: Valbouillant ressemblait au dieu des jardins, et nos belles trouvèrent que j'avais assez l'encolure de Ganymède. Le prélat ne put voir sa charmante nièce sans désirer de s'égarer dans le sentier que je venais de frayer; elle baissa les yeux, regarda timidement sa mère dont le sourire la décida à se résigner, et qui la suivit sur le canapé voisin, où elle l'encouragea par son exemple, en se livrant aux transports de Valbouillant qui, passant les jambes de la belle sur ses épaules, s'introduisit très avant dans ses bonnes grâces. Je m'insinuai dans celles de Mme Valbouillant qui, caressant d'un doigt officieux le centre des voluptés de Babet, jouissait du double plaisir qu'elle nous procurait. Six glaces avantageusement placées à la hauteur des ottomanes, répétaient les trois groupes voluptueux qu'elles multipliaient à l'infini, et les sens irrités par ce spectacle enivrant redoublaient l'ardeur de chaque combattant, qui aurait rougi d'être vaincu dans cette érotique. Magdalani, par l'agilité de ses reins, prouvait à Valbouillant que ses trente-cinq ans n'avaient rien diminué de son ardeur, et que sa fille, malgré sa jeunesse, ne la surpassait pas pour la prestesse et le moelleux des mouvements. Le saint homme applaudissait au zèle de la chanoinesse à suivre l'exemple de sa mère. Mme Valbouillant, Babet et moi n'avions pas besoin d'être encouragés, mais ce spectacle nouveau nous rendait encore plus acharnés à fêter le dieu de Lampsaque. Les trois groupes ayant consommé leur sacrifice, nous nous réunîmes en rapprochant les trois sofas; on voyait sur tous les sofas la gaîté succéder à la jouissance; point d'air d'épuisement ni d'ennui; le fin sourire et le regard malin promettaient le prochain retour des désirs. On félicita la jeune Laure sur le courage qu'elle avait montré dans les premiers combats; sa mère reçut nos éloges pour la philosophie avec laquelle, s'élevant au-dessus des préjugés, elle avait accéléré par son exemple la félicité de sa fille. La petite se jeta dans les bras de sa mère qui la couvrit de baisers, et d'un doigt curieux tâcha de reconnaître les dégâts que mes efforts et ceux de l'évêque avaient faits. Cet attouchement réveilla les sens de la chanoinesse qui versa presque aussitôt des larmes de volupté sur la main de la signora qui reçut d'elle le même service. Mme Valbouillant, pour nous faire attendre sans impatience le retour des plaisirs, nous proposa de nous lire une anecdote qu'elle avait reçue de Paris; tout le monde y consentit, et elle nous la lut. On applaudit fort à cette anecdote, et l'évêque proposa du sirop, du punch pour désaltérer la lectrice et rafraîchir ses auditeurs. -- Volontiers, dit la signora Magdalani; mais ne vaudrait-il pas mieux prendre auparavant le rafraîchissement du bain, mon frère en a de charmants, la chaleur est si vive que l'eau doit être assez échauffée par le soleil; nous n'avons point de toilette à faire, nos peignoirs ne tiennent qu'à un ruban. -- L'idée est charmante, dit Mme Valbouillant; mais personne ne pourrait-il nous voir? -- Non, dit l'évêque, le bassin touche à ce boudoir et personne n'y peut pénétrer; j'en ai la clef, et nous porterons sur le bord le punch que nous prendrons en nous baignant. Tout le monde fut d'accord, et nous passâmes dans ce délicieux bassin revêtu de stuc; il était ombragé par un grand platane, deux sycomores et deux grands saules pleureurs; le jasmin et le chèvrefeuille s'élevaient autour de leurs tiges, et, s'étendant d'un arbre à l'autre, formaient des festons parfumés; à quelques pas de là, des touffes de seringa sortaient d'une haie de rosiers de diverses espèces auxquelles se mêlaient l'aubépine, l'acacia rose et l'épinevinette; la violette, la pensée, l'anémone et l'odorante jonquille couvraient le gazon qui séparait la haie du canal; et les pois de senteur se ramaient autour de la tige élevée de la tubéreuse; plus loin, des bancs de mousse à travers laquelle percent la pâquerette et l'armoise, offrent un siège doux et frais à la nymphe qui, sortant de l'onde, veut se sécher et s'essuyer avant de reprendre ses habits. C'est là que nous allâmes chercher à nous délasser de nos agréables fatigues; l'Albane et Boucher se seraient trouvés contents, s'ils avaient été admis; quel travail pour leur ingénieux pinceau! chacune de nos belles leur aurait fourni vingt académies; ils auraient cru voir Thétis au milieu de ses naïades recevant Phoebus, tandis que les heures détellent son char. Valbouillant avait l'air de Comus chargé de préparer le festin, pendant qu'en folâtrant près des belles nageuses, je ressemblais au dieu dont les ailes aux talons annoncent l'emploi sur les pas du prélat. Nous nous hâtâmes de nous plonger dans l'onde limpide, qui ne faisait que rafraîchir les charmes de nos nymphes sans les voiler; les peignoirs qu'elles avaient quittés étaient remplacés par les boucles éparses de leurs cheveux qui formaient un vêtement transparent aux contours arrondis de leurs tailles élégantes; l'eau ne s'élevait qu'à la hauteur de leur sein; elles se baissaient parfois pour en avoir jusqu'au menton, et quand elles se relevaient, l'humidité qui restait sur l'ivoire de leur gorge appétissante ressemblait à ce frais duvet qu'on aperçoit sur la prune dans la maturité et qu'on appelle la fleur. Avec quel empressement nos lèvres enflammées couraient la recueillir; que de bonds, que de folies nous fîmes dans ce délicieux bassin. Nos quatre naïades étaient belles, mais toutes d'un genre de beauté différent; la signora Magdalani, d'une taille au-dessus de la moyenne, avait approchant les formes que nous fait admirer Raucourt dans le rôle de Didon, et ses longs cheveux châtains relevaient l'éclat d'une peau d'un blanc de lait, sillonnée de veines d'azur; son embonpoint lui rendait la fraîcheur que le grand usage des plaisirs lui aurait fait perdre si elle avait conservé la taille svelte qu'elle avait à vingt ans. Laure, plus petite, mais agréablement coupée, voyait flotter sur sa gorge naissante une forêt de cheveux blond cendré: ses yeux étaient bleus, ses longues paupières et ses sourcils bien arqués étaient de la couleur de l'ébène; et d'ailleurs elle méritait, mieux que jadis l'Athérenin, le beau nom d'as de pique. Je ne répéterai point ici le tableau de Mme Valbouillant, ni de la gentille Babet; la première, on le sait, a des jumelles qu'on ne peut pincer, des dents de perles et le regard humide de la volupté prête à toucher le but, et Babet, avec ses yeux noirs, ses cheveux châtains, avait l'air d'Hébé réveillant le dieu de la force. Après mille agaceries réciproques, Mme Valbouillant, poursuivant la jeune Laure en folâtrant comme Sapho le faisait d'ordinaire avec ses compagnes, la renversa sur une touffe de roseaux, et nous fit apercevoir le carmin et la rose au milieu de son spadille. Pendant ce temps Valbouillant accourt, et tournant la chanoinesse de côté, se coulant sur le dos, s'insinue dans le losange vermeil, dont sa femme continuait de chatouiller le sommet; l'évêque, à son tour, étend Babet à côté des combattants, de manière que l'officieuse main de Babet rendait à sa maîtresse tout ce que celle-ci prêtait à Laure; et pour compléter le groupe, la signora Magdalani, se courbant sur les reins de son frère, m'offrit une double route aux plaisirs. Je commençai le sacrifice dans l'arrière-temple, et j'achevai ma libation dans le vrai sanctuaire. La fraîcheur de l'eau, l'ardeur de nos désirs, par leur contraste heureux, aiguisèrent la volupté, et nous convînmes, d'une voix unanime que jamais on ne pouvait éprouver d'ivresse plus délicieuse. Nous sortîmes du bain aussi frais qu'en y entrant; nous vidâmes sur le rivage le bol de punch qui s'y trouvait préparé. Je fus l'échanson et l'on trouva que j'avais autant de grâce à remplir mes fonctions que le prince phrygien qui servait le nectar à Jupiter. Nos belles reprirent leurs peignoirs et nous de légères robes de taffetas. Rentrés au salon, nous échangeâmes les plus douces caresses. La signora Magdalani observa que la société, toute charmante qu'elle fût, péchait en ce qu'il y avait plus de consommatrices que d'objets de consommation, et que d'après toutes les proportions physico-mathématiques, tout serait plus dans l'ordre s'il se trouvait six hommes et quatre femmes, et qu'il fallait, pour le bien de la paix, doubler le nombre des collaborateurs. L'évêque, tout en reconnaissant l'évidence du principe, opposa la difficulté de faire cette opération sans compromettre sa réputation, qui était la base de l'aisance de sa famille. La signora, confuse, ne savait que répondre, quand Laure élevant la voix rappela à son oncle les bijoux qu'il avait eu la complaisance de lui faire passer de la part de sa tante la Visitandine. Le bon prélat sourit, la société le pressa, et il dit à sa nièce de produire ces bijoux si elle les avait encore. -- Si je les ai! ils ont été ma consolation depuis que vous me les avez donnés. Et elle tire de sa poche les deux plus beaux simulacres que l'art ait produits pour suppléer à la faiblesse humaine. Des tubes d'étain, rivaux de la nature, recouverts d'un velours incarnat, garnis d'un piston pour lancer à volonté du lait chaud. La pieuse abbesse des Visitandines, empressée de fournir à leurs besoins, avait prié le prélat, son cousin, de lui en procurer de différents calibres pour les postulantes, les novices et les professes, et pour être assurée que sa communauté ne chômerait point, elle en avait mis un nombre en réserve, qui, le fanatisme religieux se ralentissant, et chaque nonne en étant fournie, lui restait en magasin. Le prélat, voyant les besoins de sa nièce chérie, en avait demandé deux, et la bonne religieuse, pleine de zèle pour le salut de sa parente, avait garni les ceintures auxquelles ils étaient attachés, d'_agnus dei_, de bois bénit et de bois pourri, qu'elle avait honoré du nom de bois de la vraie croix, pour élever vers Dieu ses idées quand elle ferait usage de ce consolateur des recluses. La lubrique assemblée admira le génie de l'inventeur et le talent supérieur de l'ouvrier dans l'exécution. L'espiègle Babet voulait à l'instant entourer ses reins de la sacrée ceinture; mais sur la représentation de la chanoinesse, elle en différa l'usage jusqu'à ce que le lait nécessaire fût préparé et parvenu à la chaleur convenable. Pour attendre patiemment que tout fût prêt, on proposa que nos belles fissent le récit fidèle de leurs aventures. La proposition fut généralement acceptée, et la signora Magdalani, comme la doyenne, commença en ces termes: "Ma mère perdit la vie en me donnant le jour; mon père m'envoya près de ma tante, dans son petit castel aux environs de Nice. Ma tante, n'ayant rien de mieux à faire, s'était jetée dans la dévotion et passait la journée à l'office ou à médire avec ses voisines. On m'avait appris les litanies de la Vierge, et je prononçais avec toute l'emphase convenable: 'Tour d'ivoire, priez pour nous; rose mystique, priez pour nous.' Mais, de bonne foi, je n'attachais aucune idée à ces vocatifs décousus. Ma tante cependant s'applaudissait de ses talents pour enseigner, et de mes dispositions à m'instruire, parce qu'à douze ans je savais par coeur les sept psaumes en latin, le _Salve Regina_ et l'_Angelus_. Quand ma tante était sortie, dès que j'avais fini l'ourlet qu'elle m'avait donné à faire, -- car j'apprenais aussi la couture, -- je courais dans le jardin pour m'amuser avec les enfants du jardinier. Marcel, l'aîné, était un petit polisson d'environ quinze ans, au teint animé, aux yeux vifs, aux reins souples et à l'épaule large. La gouvernante du curé, veuve du sonneur, femme entre quarante et cinquante ans, avait pris soin de l'instruire et s'était fait payer ses leçons. Mais je parus, et mes appas naissants piquèrent sa curiosité plus que les charmes surannés de son institutrice; il cherchait impatiemment l'occasion de me faire part des connaissances qu'il avait acquises et je volais au-devant de l'instruction. Un soir que je me promenais dans le jardin où il plantait une planche d'escarole, je l'observais fourrant dans les trous qu'il avait faits avec le plantoir les racines des légumes qu'il venait d'arracher. Je lui fis quelques questions, il y satisfit avec la simplicité de son âge et de son éducation; puis me regardant avec feu, quoique les yeux à demi baissés: -- J'ai, dit-il, un autre plantoir, qui vaut bien mieux. -- Eh bien, voyons, comment t'en sers-tu? -- Oh! ce n'est pas en pleine terre, c'est dans les serres chaudes qu'on en fait usage. -- Eh bien! nous sommes tout auprès, voyons. -- Volontiers, dit-il, suivez-moi. L'ardeur de m'instruire m'y fit consentir. Y étant entrée: -- Voyons ton plantoir? -- Soit. Il me renversa sur une couche, et d'une main découvrant le terrain qu'il voulait cultiver, de l'autre il découvrit ce merveilleux plantoir. Surprise, j'y portai la main: -- Qu'il est ferme, lui dis-je, il doit entrer bien avant. Mais où est le plant? -- Tout, dit-il, est renfermé dans ce plantoir, il perce, il plante, il arrose. -- Eh bien! voyons comment tu t'y prends. "Je croyais qu'il allait l'enfoncer dans le terreau de la couche; mais le fripon, profitant de ma position, se précipite dans mes bras, passe mes pieds sous les siens, m'attire à lui, et, rassemblant tous ses efforts, pénètre, en renversant les obstacles, dans le réduit où dormait encore la volupté; il la réveille, précédée par la douleur. Je fais des efforts pour m'échapper, mais ses bras nerveux les rendent vains. Je reste clouée sur la couche, me résignant à souffrir quoique impatiemment; mais bientôt la douleur s'affaiblit et disparut par degrés. Cet hôte qui m'avait paru si terrible dès l'abord, devint à mes yeux un commensal dans la société duquel on pouvait se plaire, et je désirais moins sa retraite. Petit à petit, je pris mon mal en patience et je craignis qu'il ne quittât le brûlant séjour dont il faisait alors mes plus chères délices; mon ivresse s'accrut et ne se calma que par la voluptueuse émission d'un baume qui, soulageant mes blessures, me fit aussi répandre intérieurement les larmes les plus douces. Sa fureur étant calmée, le plantoir sortit dans un état moins menaçant; je fus surprise de la souplesse qu'il avait acquise, je le touchai avec étonnement et je vis avec effroi qu'il était teint de mon sang; mais je lui pardonnai sa barbarie, et j'étais affligée de l'état d'abattement dans lequel il se trouvait. "Marcel examina le ravage qu'il avait causé chez moi; cet examen et la chaleur de ma main qui n'avait pas quitté prise, ranimèrent son orgueil, et je l'aurais abattu de nouveau sans du bruit que nous entendîmes auprès de la serre. C'était ma tante qui rentrait du salut, et qui était passée par la petite porte du jardin: ma jupe fripée et salie par le terreau de la couche, ma rougeur et mon embarras lui donnèrent des soupçons. Une vieille dévote qui l'accompagnait les aggrava par ses pieuses remarques: on visita mon linge, et le résultat de cette enquête fut un prompt départ pour un couvent, où je demeurai jusqu'à quinze ans, époque où je fus mariée et prise pour vierge par mon époux." -- Comment, maman, il ne s'aperçut pas... -- Non, mon coeur. Le petit Marcel, quoiqu'il m'eût blessée, était trop jeune pour être bien terrible, et ton père crut qu'étant restée trois ans au couvent, j'avais usé des ressources d'usage dans les cloîtres; et je confirmai son opinion par un adroit aveu, pour détourner les idées plus désavantageuses qu'il aurait pu se former. La belle Italienne achevait à peine son récit, quand Babet nous annonça que le lait avait acquis la chaleur convenable, et, apportant la cafetière, remplit les deux suppléments, se mit la ceinture du plus gros, et proposa à la belle Laure d'en subir l'épreuve. La chanoinesse le désirait, mais l'idée que la gentille Babet était simple et roturière la faisait hésiter. -- Belle délicatesse, dit le prélat; si Babet n'est pas d'une naissance illustre, elle est anoblie par ses alliances, elle peut embellir son blason de mes armoiries, de celles du prince Hic et Hec, et de Valbouillant. Laure se résigna. Me collant sur le dos de Babet, je lui rendis le même office naturellement; ma bouche faisait un suçon sur l'épaule de Babet, pendant que ma main gauche prenait les reins de la belle Laure, et que ma main droite, glissée entre les deux nymphes, en palpait voluptueusement les contours élastiques. Cependant la signora s'insinua le second supplément pendant que Valbouillant s'avançait dans ses bonnes grâces par la route détournée; pour l'évêque, d'une langue caressante, il cherchait le nectar de la volupté dans la grotte étroite et complaisante de Mme Valbouillant, qui de son côté couvrait de baisers le bâton augural du pontife. Les belles firent tour à tour l'épreuve des bienfaisants simulacres, et l'immense cafetière était presque épuisée, quand notre ingénieux prélat voulut faire un nouvel essai; il prit le plus gros des suppléments et s'en ceignit à rebours, de sorte qu'il avait l'air de sortir du bas des reins, comme la queue d'un cheval, coupée à l'anglaise, puis il se plaça debout entre deux lits d'une hauteur suffisante, séparés par une ruelle étroite, et plaçant sa nièce sur l'un et sa soeur sur l'autre, et de manière que leurs jambes portaient sur un lit et leur corps sur l'autre, il établit le naturel dans le temple de sa nièce et l'artificiel dans celui de sa soeur, et par ses mouvements rapides il occupait utilement l'une et l'autre, et lâchant le piston mécanique en même temps qu'il faisait physiquement sa libation, toutes les deux jouirent simultanément d'un déluge de voluptés. Cet essai fut le dernier de la soirée; quelques fruits délicieux et d'agréables liqueurs les rafraîchirent et les restaurèrent, et l'on alla se coucher séparément, pour qu'on pût se livrer sans trouble au repos que la répétition des plaisirs nous rendait si nécessaire. D'ailleurs, le prélat était un homme d'ordre dans ses plaisirs; il avait des statuts qu'on observait religieusement dans ses orgies. La communauté des jouissances était établie entre tous les membres de la société, on n'en pouvait dérober aucune aux regards lascifs des autres, et c'était une faute digne d'exclusion d'en frustrer la voluptueuse curiosité; il était également défendu aux femmes de faire des pensionnaires en leur particulier, parce que c'était priver d'autant la communauté des plaisirs qui devaient être partagés; mais tout était permis, en prévenant la société de ce qu'on allait faire, pour que les membres en fussent les témoins, s'ils en étaient tentés. Le lendemain matin, après neuf heures d'un sommeil tranquille, nos belles quittèrent le lit. Alors belles sans art, dans le simple appareil De beautés que l'on vient d'arracher au sommeil. (Racine, _Britannicus_.) Elles courent de chambre en chambre; Laure, levée la première, était déjà dans la chambre de sa mère, qu'elle serrait dans ses bras, pour lui peindre sa joie de la liberté qu'elle lui avait accordée la veille, et lui dérobant quelques caresses: -- Ah! maman, que tu es belle, ce n'est que d'hier que je connais tes charmes; le respect, jusqu'à présent, m'inspirait plus de crainte que d'amour; depuis que tu m'as associée à tes plaisirs, mon âme nage dans l'ivresse, et je sens qu'il me serait plus doux de t'en procurer que d'en recevoir, même de l'homme le plus séduisant; tiens, regarde l'effet du baiser que je viens de prendre sur ton beau sein. -- J'en éprouve un pareil, ma chère enfant, mais... -- Quoi, mais?... qui nous empêche de profiter de nos désirs mutuels? -- Et nos règlements? Elle instruisit Laure de la nécessité de ne dérober aucun plaisir à la vue de la société... -- Eh bien! maman, descendons, nous leur dirons ce que nous allons faire, qu'ils soient les témoins s'ils veulent; mais je jure que je ne recevrai de caresses et n'en ferai à personne avant de t'avoir fait partager mes transports. Valbouillant et l'évêque arrivèrent alors. Laure leur déclara ses intentions, et comme je survenais avec Mme Valbouillant et Babet, je me hâtai de presser la maman de céder aux transports de sa fille, pour se rendre ensuite aux voeux de la société. -- Eh bien! maman, que tardons-nous? Viens sur ce sofa. Comme elle hésitait: -- Retirons-nous, dit Valbouillant, ce sont des affaires de famille, ne les troublons point; allons au salon, nos belles amies nous rejoindront quand elles voudront de nous. -- Y consentez-vous? nous dit alors l'évêque. -- Assurément, dîmes-nous à l'unisson; mais comme c'est une assemblée de parents, Monseigneur en devrait être. -- Non, dit Laure vivement, nous vous rejoindrons tout de suite. -- A votre aise, reprit l'évêque en souriant, nous avons de quoi nous occuper sans vous, et allons faire préparer le déjeuner. Nous descendîmes, la mère et la fille restèrent dans leur appartement, et l'ardente Laure menant la maman sur le lit qu'elle venait de quitter, s'y précipita dans ses bras. Rien, ni jupes ni corset, ne s'opposa à leur fureur érotique. -- Quelles superbes formes, s'écriait la chanoinesse, en couvrant sa mère de baisers enflammés. -- Quelle fraîcheur, quelle fermeté, disait la maman caressant les charmes les plus secrets de Laure; et leurs jambes de s'enlacer, leurs seins de se presser, leurs lèvres de s'entr'ouvrir et leurs langues de s'unir; leurs yeux se ferment, leurs mains s'égarent, leurs sens s'allument, leurs lèvres humides exhalent de tendres soupirs, leurs reins s'agitent convulsivement, leurs cons agités sont inondés de volupté. -- Ah! ma Vénus, ah! mon Hébé, s'écrièrent-elles ensemble, en se serrant amoureusement. Ah! dieux!... Et la parole leur manque... O Sapho! ô Raucourt! éprouvâtes-vous des transports aussi vifs? Les sentiments de mère et de fille semblaient ajouter au délire de leurs sens que la plus abondante effusion du nectar du plaisir ne pouvait calmer. L'évêque, qui était monté sur la pointe du pied avec Valbouillant et moi, après avoir joui de leur ivresse en silence, le rompit en chantant ce fragment de _Lucile_: Où peut-on être mieux qu'au sein de sa famille? -- Eh bien! dit la mère sans se déconcerter, vous voyez, mortels présomptueux, qu'on peut se passer de vous, et que ma Laure et moi savons nous suffire à nous-mêmes. -- D'accord, belle dame, lui dis-je, mais puisque la source du vrai bonheur est en vous, convenez que vous seriez barbares, si vous nous refusiez de nous y désaltérer. -- Nous ne refusons rien, dit Laure, pourvu que vous ne nous forciez pas à nous désunir. Alors elles se serrèrent de nouveau, couchées de côté sur le lit; l'évêque et Valbouillant, lestes comme des lévriers, s'élancent sur la couche et, à l'instar de ces animaux, se mettent à fêter nos belles. Je fus un instant spectateur; mais bientôt, lassé de ce rôle, je pris mon évêque à revers, ses mouvements m'apprirent qu'il m'excusait de le prendre en traître, et bientôt les soupirs entrecoupés, les doux gémissements prolongés de la mère et de la fille, et de légères convulsions nous annoncèrent qu'elles continuaient de répandre des larmes de volupté. Nous redoublâmes d'ardeur et les retînmes dans leur ivresse jusqu'à ce que nous eussions nous-mêmes consommé le sacrifice. Mme Valbouillant et Babet, qui étaient survenues pendant le combat, pour ne pas rester oisives, s'étaient armées des suppléments, dont elles s'obligeaient réciproquement, en se réglant sur les mouvements du groupe principal. Le sacrifice terminé, on se relève, on se félicite, et l'on redescend dans la salle à manger; de bons consommés, d'excellentes truffes à l'huile vierge, et des canapés d'anchois rétablirent les forces de nos belles et aimables athlètes; les vins les plus doux et les plus fins y furent joints; quelques chansons folles égayèrent le déjeuner; et l'évêque proposa d'aller folâtrer dans quelques bosquets de l'Averne, son jardin délicieux: tout le monde applaudit, et tous, d'un pied léger et d'un front riant, suivirent le saint prélat et sa superbe soeur. Rien n'égale le goût et la variété de ces jardins enchanteurs; l'acacia rose, le mélèze fleuri unissent leurs rameaux au cèdre du Liban; plus loin le catalpa, le platane dépouillé de son écorce, ombragent de leur cime élevée le limpide ruisseau qui serpente à travers le gazon fleuri, tandis que le saule pleureur courbe vers l'onde fugitive ses rameaux minces et pendants; la violette, la rose, l'oeillet, le thym, l'iris émaillant la prairie, fournissent un riche butin à l'abeille laborieuse qui vient cueillir le baume vivifiant dont elle compose son miel; les arbustes odorants, le jasmin parfumé, le rampant chèvrefeuille, s'élevant le long de la tige du citronnier, et se liant aux branches de l'oranger, charment la vue par leurs guirlandes naturelles et l'odorat par leur douce saveur. Un sentier serpentant à travers un fort de noisetiers et de mûriers sauvages, conduit à la plus charmante des grottes; les rocailles les plus artistement posées, les coraux, les madrépores, l'éclatant burgau, la nacre brillante en tapissent les parois; l'onde fraîche et limpide, filtrant à travers le rocher, se rassemble dans des conques superbes, d'où elle tombe par cascades dans des bassins de granit, qu'on croirait creusés par les mains de la nature; l'art partout est caché, et n'en a que plus de succès; sur l'entrée on lit: ICI L'ON S'EGARE. Au fond de la grotte, éclairée par une ouverture pratiquée pittoresquement dans la voûte, une mousse épaisse et fleurie offre des lits commodes au promeneur fatigué; au-dessus on lit: ICI L'ON SE RETROUVE. La signora Magdalani s'y couchant, dit en souriant: -- Qui veut se retrouver avec moi? Je me présentai le premier. -- J'admire son zèle pour la famille, il vient de rendre service à mon frère, il veut m'obliger et je parie qu'avant de rentrer au château il voudra se rendre utile à ma fille: le charmant enfant! Mais je ne veux pas qu'il s'épuise; jouons avec la volupté, mais rendons-nous-en maîtres, et sachons reculer l'instant de la conclusion. Mme Valbouillant et Babet n'ont point goûté de plaisirs solides aujourd'hui, que mon frère et Valbouillant les occupent; ma fille et moi, nous nous contenterons de Hic et Hec; il a de l'esprit jusqu'au bout des doigts, j'en veux faire plus d'usage que de la trompe de son éléphant. Viens, ma Laure, mets-toi à mes côtés, ouvre ton peignoir comme j'ai fait du mien; que ses mains caressent nos deux portiques, que sa bouche se colle alternativement sur les nôtres, se promène sur ton sein et sur le mien, et soyons économes du baume précieux qu'il voudrait nous prodiguer. Je consentis au joujou qu'elle proposait, et quand la volupté se faisait sentir trop vivement, elle me faisait suspendre, pour reprendre, après une courte trêve. Laure fit une si jolie mine, en arrivant au but désiré, que je ne pus résister au désir de porter la bouche sur la fontaine dont mon doigt venait de faire jaillir les eaux enflammées; le mouvement que je fis ayant découvert la trompe dans l'état le plus brillant, la signora la saisit entre ses lèvres ardentes, et par la succion la plus voluptueuse, me fit faire une libation plus abondante que celle que je recevais de sa fille, et ma main gauche, qui n'avait pas quitté son poste, reçut des preuves liquides de l'attendrissement de la mère. Cependant Mme Valbouillant et Babet s'étant adossées l'une à l'autre recevaient debout l'évêque, et Valbouillant, dont les coups repoussés par l'athlète opposé, causait une réaction vive et singulière. L'acte fini, après quelques moments de repos et quelques verres de punch, on demanda quelque anecdote à Valbouillant. -- Je n'en sais point, dit-il, si ce n'est le désespoir de la vieille Sara. -- Je ne la connais point, dit l'évêque. -- Oh! que si, Monseigneur, elle a la pratique de presque tout votre chapitre, c'est la grosse marchande de plaisir! -- Elle vend du croquet? -- Non, mais c'est la plus adroite pourvoyeuse du Comtat; peu de femmes ont une famille aussi étendue, elle a toujours deux ou trois nièces qui l'accompagnent aux promenades, au spectacle, et quand elles sont un peu trop connues, elles se retirent vers Orange ou Carpentras, où elles portent l'instruction qu'elles ont reçue chez Sara, qui les remplace par de nouvelles parentes, qui lui viennent des villages d'alentour, et qu'elle forme avec le même soin. -- Oh! oui, je me rappelle, dit l'évêque, elle est grosse, courte, elle a le front étroit, l'oeil en dessous, le crin roux et le nez un peu bourgeonné. -- Précisément, et sûrement vous avez été plus d'une fois son neveu. -- Je n'en disconviens pas; que lui est-il donc arrivé? -- Hier, se promenant sur le rempart avec Justine, la nièce du moment, un négociant de Bâle est venu l'accoster: on a lié conversation, elle a d'abord été galante, puis elle s'est animée et le bon Bâlois a proposé de lui donner à souper. Sara, toujours prête quand il s'agit d'un repas, s'accorde à tout, et l'on convient que le négociant partagerait ensuite le lit de Justine en déposant dix louis sur la table de nuit, dont il aurait droit d'en reprendre un à chaque politesse qu'il ferait à la gentille nièce. Sara, qui n'avait guère vécu qu'avec d'élégants Français ou de bons citadins, croyait que les Suisses ne pouvaient l'emporter en civilité sur ses compatriotes, et se hâta d'accepter le marché. On a soupé gaîment, le bourgogne et le montrachet n'ont pas été ménagés, la vieille s'est bien repue, bien égayée, puis a présidé au coucher; on a vu poser l'or sur la table de nuit et le Suisse a prétendu qu'elle lui devait deux louis. Justine, interrogée sur le fait des articles, a confirmé par son aveu les prétentions du Bâlois; Sara a redoublé ses cris, et l'Helvétien, pour l'apaiser, l'a renversée sur le lit et lui a fait cadeau du treizième; elle a pris son mal en patience, mais en jurant ses grands dieux qu'elle ne ferait plus de pareil marché qu'avec des Français. -- La nièce, observa l'évêque, avait moins d'humeur que la tante. Mme Valbouillant remarqua que le bon Bâlois s'était sans doute ainsi comporté pour honorer les saints apôtres, et avait réservé le Judas pour Sara. -- Quoi qu'il en soit, dis-je alors, je voudrais me faire naturaliser suisse, si j'étais sûr que le droit de bourgeoisie chez eux me procurât d'aussi rares talents. -- Ce n'est pas quand on vous ressemble, l'abbé, qu'on doit former de pareils voeux, et vous prouvez que l'état théocratique fournit les plus précieux sujets pour la volupté. Ce propos valait bien un remerciement, j'embrassai la belle Valbouillant, sa main chercha si j'étais digne de l'éloge qu'elle venait de me prodiguer; l'état où elle me trouva la fit soupirer; les réflexions sur l'aventure de Sara terminées, on avisa aux amusements qu'on pourrait se procurer jusqu'à l'heure du dîner. -- L'abbé, dit Mme Valbouillant, devrait nous indiquer quelques-uns des jeux qui l'occupaient au collège. Je lui dis que les plus usités étaient le cheval fondu, la main chaude et le pet-en-gueule. -- J'ai, dit Laure, joué quelquefois à la main chaude au couvent, j'étais quelquefois un demi-quart d'heure sans désemparer, cela m'ennuyait fort, et j'en avais la main toute engourdie. -- N'y aurait-il pas, dit l'évêque, un moyen de rendre ce jeu plus piquant? -- En décidant que celle qui devinerait disposerait à son gré pour ses plaisirs de la personne devinée. Sans doute, dit la signora Magdalani, mais cependant nous y gagnerons peu de chose, nos volontés ne sont-elles pas la règle des désirs des hommes de la société? On disserta ensuite sur le cheval fondu, et l'on trouva du danger pour les reins de celui qui portait le principal fardeau, et on le rejeta; quand on détailla le pet-en-gueule, il trouva plus de partisans; mais il n'y avait que trois hommes pour quatre femmes; c'était un inconvénient, mais la signora Magdalani, s'excusant avec grandeur d'âme, s'offrit à juger des coups. -- Soit, dit l'évêque; vous recevrez pour épices les caresses du couple qui aura le mieux réussi. Les choses ainsi convenues, tous les peignoirs et lévites furent quittés; le prélat prit la fraîche Valbouillant, dont le mari choisit la jeune Laure, et j'eus en partage ma gentille Babet, tantôt sur mes mains, tantôt sur mes pieds; j'avais toujours les yeux fixés sur les contours arrondis de ses jumelles appétissantes, et sur le joli bosquet qui couvrait les bords de la fontaine de Jouvence; quelquefois, en faisant la roue, j'y collais des baisers brûlants; le prélat était aussi enchanté des charmes antérieurs et postérieurs de la fraîche Valbouillant, qui tour à tour sur les mains, sur les pieds, à chaque repos, appuyait ses lèvres caressantes sur le _lubinis angularis_ du saint pasteur. Valbouillant et la chanoinesse faisaient la double roue avec la même ardeur; nous fîmes trois fois le tour de la grotte en dedans, et nous nous arrêtâmes en trois couples aux pieds de la signora Magdalani, soit dessus, soit dessous nos belles, et profitant de l'attitude, nous répétions la scène voluptueuse du jeune Saturnin avec madame d'Inville. Ce fut Babet et moi que la belle Magdalani reçut dans ses bras, couchée sur le côté, et Babet ceignant un supplément le glissa à l'endroit que fait admirer Vénus Callipyga. Les autres, se groupant autour de nous, cherchèrent le plaisir dans des attitudes variées au gré de leurs caprices; pour moi, cueillant avec ma langue amoureuse le miel de la volupté entre les dents entrouvertes de la belle Magdalani, de ma main passée sur sa cuisse, j'atteignis le sommet du joli buisson de l'espiègle Babet au-dessous du simulacre qu'elle avait introduit dans le sentier étroit et détourné de la déesse que nous servions, les caresses de mon doigt ranimèrent son zèle, elle mit plus d'activité dans ses mouvements. -- Ah! Dieu, s'écria la signora, quelle volupté, quelle ivresse... je fonds! Et elle m'inonda; je ne ralentis pas mes efforts. -- Ciel! s'écria-t-elle, je brûle, mon ardeur ne fait que s'accroître par la jouissance, ah! que ne puis-je aussi baiser cette adorable Babet qui me donne tant de plaisirs. -- Si vous voulez, nous allons troquer de poste, elle et moi? -- Volontiers, mon divin ami. En un instant l'échange fut fait, ce fut le supplément qui remplit l'échange frayé, et je me plongeai dans le sentier. Que son dos était blanc, uni et potelé, que la chute de ses reins était arrondie, quelle fermeté, quelle fraîcheur, les épaules les plus fines, les bras de la plus belle forme, les mains les mieux effilées; mes lèvres brûlantes parcouraient ces charmants contours, pendant que mes mains pressaient amoureusement son beau sein et se trouvaient pressées par l'ivoire de celui de Babet, qui recevait des attouchements lascifs de la belle Magdalani une ivresse égale à celle qu'elle procurait. Nos transports devinrent trop vifs pour pouvoir les prolonger, notre bonheur fut au comble, nous perdîmes en même temps nos forces et nous restâmes quelques instants sans mouvement à jouir de notre abandon voluptueux. L'évêque et Valbouillant nous versèrent à chacun un verre de vieux vin d'Alicante, qui répara nos forces, et nous étant rhabillés, nous engageâmes Valbouillant à nous raconter quelqu'une de ses aventures, en attendant que l'heure du dîner nous rappelât au château. "J'avais vingt ans, dit-il; j'étais capitaine de dragons, et mon régiment, cantonné dans la Lorraine, y goûtait toutes les douceurs dont ce charmant pays abonde; dans la petite ville où ma troupe était en quartier habitait la jeune épouse d'un vieil officier général qui était en tournée pour une inspection dont le gouvernement l'avait chargé; elle était musicienne, chantait bien, jouait agréablement la comédie, dansait avec grâce et légèreté; cette conformité de talents la disposait en ma faveur et me faisait désirer de me lier avec elle; je l'accompagnai avec mon violon dans une ariette italienne, et mes applaudissements parurent la flatter; je demandai et j'obtins la permission de lui faire ma cour chez elle, mais la présence d'une vieille belle-soeur, qui restait toujours au salon, me gênait dans l'aveu que je voulais lui faire de ma tendresse; elle s'en aperçut, sourit malicieusement, mais elle n'éloignait pas le témoin importun. Je lui donnai des billets, des vers passionnés, elle les recevait, en paraissant satisfaite, mais elle n'y répondait jamais. Vous savez que je suis ardent, et même impatient, et j'avais peine à supporter cet état; je m'ennuyais de rester toujours au même point. Pour en sortir et pouvoir m'expliquer librement sans la compromettre, je supposai un voyage que je devais faire à Nancy, où elle avait des parents; je m'offris de me charger de ses dépêches et je demandai qu'elle me permît de venir le lendemain les prendre à son lever. -- Vous êtes bien obligeant, me dit-elle, mais je ne sais si j'y dois consentir, je suis extrêmement paresseuse et je fais ma toilette tard, et vous me verriez trop à mon désavantage. -- Ah! madame, quand on doit tout à la nature, c'est l'art seul qui peut nuire, et je ne vous trouverai que trop charmante dans l'heureux désordre du matin. -- Vous croyez?... Moi j'en doute et j'exige pour prix de ma complaisance que vous me disiez, sans déguisement, si je perds beaucoup à me laisser sans parure: venez sur les dix heures, mes lettres seront prêtes. Un coup d'oeil d'intelligence dont elle accompagna ce propos remplit mon coeur de l'espoir le plus doux. Le lendemain, ponctuel au rendez-vous, j'arrive, je m'adresse à Marton, sa suivante, pour être introduit. -- Madame, me dit-elle, n'a pas dormi de la nuit, elle a eu une migraine affreuse, elle est encore couchée. -- Dieux! m'écriai-je, encore couchée, une migraine, quel contretemps, je m'étais flatté du bonheur de la voir. -- Elle s'en flattait aussi. -- Et il faut que je me retire... -- Je ne dis pas cela; si vous voulez monter, vous êtes le maître, mais ne faites pas de bruit, parlez bas de peur d'ébranler sa tête. Alors elle sort, je la suis et je monte sur la pointe du pied; elle ouvre la chambre de sa maîtresse, m'introduit, se retire et emporte la clef. A la faible clarté que laissaient pénétrer les persiennes aux trois quarts fermées, j'aperçus la belle Adèle, mollement étendue sur un lit élégant; un corset négligemment noué par une échelle de rubans gris de lin renfermait à demi la neige élastique de son sein, son mouchoir transparent, dérangé par les mouvements de la nuit, laissait voir une fraise vermeille; des cheveux s'échappant de dessous un bonnet en dentelle tombaient en boucles flottantes sur son cou d'ivoire, avec lequel leur couleur d'ébène contrastait merveilleusement; une légère couverture de soie avec draps de Frise, se collant sur son beau corps, en dessinait les agréables contours. Je m'approchai d'elle avec tout l'empressement de l'amour et de la timidité qu'inspire le respect (j'étais novice encore). -- Ah! c'est vous, monsieur, me dit-elle d'une voix qu'elle s'efforçait de rendre faible; convenez que j'ai bien peu de coquetterie de vous recevoir dans l'état d'abattement où je me trouve. -- Ah! madame, il ajoute le plus vif intérêt à l'ivresse que vos charmes sont sûrs d'inspirer. -- Vous me flattez, voyez comme j'ai les yeux battus. Je saisis sa main que je couvris de baisers, et fixant ses yeux soi-disant battus: -- Ce n'est pas le cas, lui dis-je, où les battus payent l'amende, mon coeur qu'ils ravissent en est la preuve. Et je dérobai un baiser. -- Finissez donc, monsieur, n'abusez pas de la confiance que j'ai dans votre sagesse. Et elle se débattit avec une charmante maladresse qui me découvrit de nouveaux charmes. -- Si quelqu'un entrait, qu'est-ce qu'on penserait. Marton! Marton! Comment, elle n'est pas là?... elle est redescendue! l'imprudente... mais si quelque autre... elle a emporté la clef. Ah! comme je la gronderai!... quelle idée lui a pris! en vérité, elle me met dans une position bien étrange. -- Elle vous met à même de me rendre le plus heureux des hommes, si vous êtes sensible à l'amour le plus tendre. Et je voulus prendre quelques libertés. -- Ah! monsieur, il serait atroce d'abuser de la faiblesse où me jette ma migraine; je suis presque mourante, et vous... laissez-moi donc, je sens bien votre main. -- Oh! l'heureuse migraine! qu'elle vous sied bien! elle ajoute encore à votre fraîcheur. -- Ah! quelle audace! je suis presque toute découverte... Non, monsieur, arrêtez... je ne suis pas femme à souffrir... Je n'écoutais plus rien et mes mains actives parcouraient les plus rares trésors; j'avais déjà un genou dans le lit et j'allais m'élancer pour le partager avec elle, quand me repoussant et se retournant vivement, elle saisit le cordon de la sonnette; effrayé et craignant de l'offenser, je fis un saut du lit à la cheminée pour réparer le désordre de ma toilette, en cas que ses gens arrivassent et je proférai selon l'usage, les mots: d'ingrate, de cruelle, etc., quand, partant d'un éclat de rire, elle dit: -- Bon, je suis sauvée, il ne sait pas que ma sonnette est rompue. Je ne fis qu'un saut pour aller reprendre ma place dans le lit; elle ne fit plus de résistance que pour la forme, j'usai d'autorité, elle se soumit à l'impérieuse nécessité, et bientôt nos soupirs confondus exprimèrent la vivacité de nos plaisirs. À peine eus-je atteint le but, que je fournis une nouvelle carrière, et avant de nous séparer je la rendis six fois heureuse et je l'avais été cinq. J'obtins le nom de son aimable dragon, et elle me remit une clef de son appartement dont je faisais usage toutes les nuits jusqu'à ce que de nouveaux ordres nous firent quitter ces délicieuses contrées. Nous applaudîmes au récit de Valbouillant, et ils exaltèrent sa valeur; la signora Magdalani lui demanda quelles limites il croyait qu'on devait fixer aux exploits amoureux. -- Je ne puis les assigner avec précision, et des traits comme les vôtres sont bien faits pour les reculer. -- Cela est bien honnête, mais quel est le plus grand effort que vous ayez fait? -- C'est à Bruxelles, dit-il, je revenais de l'armée, j'avais fait une longue abstinence, et je m'adressai à un honnête domestique de louage, qui m'avait servi de bonneau, lors de mon dernier voyage; il me fit connaître une danseuse, nommée Aurore, qui ne pouvait pas me recevoir chez elle, étant entretenue par un vieil officier autrichien fort jaloux, mais qui vint souper avec moi chez un traiteur. Nous n'avions pour meuble qu'un grand fauteuil à crémaillère, comme il s'en trouve quelquefois dans le corps de garde; je convins de deux louis pour la soirée: nous fîmes un assez bon repas, on nous servit plat à plat et nous faisions un entr'acte sur le fauteuil à chaque mets qu'on nous enlevait, et en quatre heures et demie nous avions mangé neuf plats et aucun entr'acte n'avait manqué; aussi la généreuse fille voulait-elle me rendre mon argent. L'évêque s'écria: -- Voilà le désintéressement le plus marqué, ou le triomphe du tempérament sur l'avarice; il contraste merveilleusement avec le désespoir de la vieille Sara. -- La grosse marchande de plaisir? dit Valbouillant. -- Précisément. L'approche de sa main allait me rendre ma gloire, quand la cloche du dîner nous rappela dans la salle à manger. Le repas fut gai, l'évêque y établit une table mécanique comme celle que Louis XV, de lubrique mémoire, avait fait faire à Choisy, pour éloigner des yeux des domestiques le cynisme de ses orgies; au dessert, sur l'avis de l'évêque, renonçant aux pompes humaines, nous quittâmes tous les ornements de luxe, et nous achevâmes le repas en peau, de la manière que Ravennes nous dit qu'il s'en faisait chez le régent. Ici se trouve une lacune très longue dans le manuscrit de cette édifiante et véridique histoire; si nous pouvons la combler, nous nous hâterons d'en faire part au public. *** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK HIC ET HEC *** Updated editions will replace the previous one—the old editions will be renamed. Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright law means that no one owns a United States copyright in these works, so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United States without permission and without paying copyright royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to copying and distributing Project Gutenberg™ electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG™ concept and trademark. Project Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you charge for an eBook, except by following the terms of the trademark license, including paying royalties for use of the Project Gutenberg trademark. If you do not charge anything for copies of this eBook, complying with the trademark license is very easy. You may use this eBook for nearly any purpose such as creation of derivative works, reports, performances and research. Project Gutenberg eBooks may be modified and printed and given away—you may do practically ANYTHING in the United States with eBooks not protected by U.S. copyright law. Redistribution is subject to the trademark license, especially commercial redistribution. START: FULL LICENSE THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK To protect the Project Gutenberg™ mission of promoting the free distribution of electronic works, by using or distributing this work (or any other work associated in any way with the phrase “Project Gutenberg”), you agree to comply with all the terms of the Full Project Gutenberg™ License available with this file or online at www.gutenberg.org/license. Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg™ electronic works 1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg™ electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to and accept all the terms of this license and intellectual property (trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all the terms of this agreement, you must cease using and return or destroy all copies of Project Gutenberg™ electronic works in your possession. If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a Project Gutenberg™ electronic work and you do not agree to be bound by the terms of this agreement, you may obtain a refund from the person or entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8. 1.B. “Project Gutenberg” is a registered trademark. It may only be used on or associated in any way with an electronic work by people who agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few things that you can do with most Project Gutenberg™ electronic works even without complying with the full terms of this agreement. See paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project Gutenberg™ electronic works if you follow the terms of this agreement and help preserve free future access to Project Gutenberg™ electronic works. See paragraph 1.E below. 1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation (“the Foundation” or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project Gutenberg™ electronic works. Nearly all the individual works in the collection are in the public domain in the United States. If an individual work is unprotected by copyright law in the United States and you are located in the United States, we do not claim a right to prevent you from copying, distributing, performing, displaying or creating derivative works based on the work as long as all references to Project Gutenberg are removed. Of course, we hope that you will support the Project Gutenberg™ mission of promoting free access to electronic works by freely sharing Project Gutenberg™ works in compliance with the terms of this agreement for keeping the Project Gutenberg™ name associated with the work. You can easily comply with the terms of this agreement by keeping this work in the same format with its attached full Project Gutenberg™ License when you share it without charge with others. 1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern what you can do with this work. Copyright laws in most countries are in a constant state of change. If you are outside the United States, check the laws of your country in addition to the terms of this agreement before downloading, copying, displaying, performing, distributing or creating derivative works based on this work or any other Project Gutenberg™ work. The Foundation makes no representations concerning the copyright status of any work in any country other than the United States. 1.E. Unless you have removed all references to Project Gutenberg: 1.E.1. The following sentence, with active links to, or other immediate access to, the full Project Gutenberg™ License must appear prominently whenever any copy of a Project Gutenberg™ work (any work on which the phrase “Project Gutenberg” appears, or with which the phrase “Project Gutenberg” is associated) is accessed, displayed, performed, viewed, copied or distributed: This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you will have to check the laws of the country where you are located before using this eBook. 1.E.2. If an individual Project Gutenberg™ electronic work is derived from texts not protected by U.S. copyright law (does not contain a notice indicating that it is posted with permission of the copyright holder), the work can be copied and distributed to anyone in the United States without paying any fees or charges. If you are redistributing or providing access to a work with the phrase “Project Gutenberg” associated with or appearing on the work, you must comply either with the requirements of paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 or obtain permission for the use of the work and the Project Gutenberg™ trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or 1.E.9. 1.E.3. If an individual Project Gutenberg™ electronic work is posted with the permission of the copyright holder, your use and distribution must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any additional terms imposed by the copyright holder. Additional terms will be linked to the Project Gutenberg™ License for all works posted with the permission of the copyright holder found at the beginning of this work. 1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg™ License terms from this work, or any files containing a part of this work or any other work associated with Project Gutenberg™. 1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this electronic work, or any part of this electronic work, without prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with active links or immediate access to the full terms of the Project Gutenberg™ License. 1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary, compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including any word processing or hypertext form. However, if you provide access to or distribute copies of a Project Gutenberg™ work in a format other than “Plain Vanilla ASCII” or other format used in the official version posted on the official Project Gutenberg™ website (www.gutenberg.org), you must, at no additional cost, fee or expense to the user, provide a copy, a means of exporting a copy, or a means of obtaining a copy upon request, of the work in its original “Plain Vanilla ASCII” or other form. Any alternate format must include the full Project Gutenberg™ License as specified in paragraph 1.E.1. 1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying, performing, copying or distributing any Project Gutenberg™ works unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9. 1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing access to or distributing Project Gutenberg™ electronic works provided that: • You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from the use of Project Gutenberg™ works calculated using the method you already use to calculate your applicable taxes. The fee is owed to the owner of the Project Gutenberg™ trademark, but he has agreed to donate royalties under this paragraph to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments must be paid within 60 days following each date on which you prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax returns. Royalty payments should be clearly marked as such and sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the address specified in Section 4, “Information about donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation.” • You provide a full refund of any money paid by a user who notifies you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he does not agree to the terms of the full Project Gutenberg™ License. You must require such a user to return or destroy all copies of the works possessed in a physical medium and discontinue all use of and all access to other copies of Project Gutenberg™ works. • You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of any money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the electronic work is discovered and reported to you within 90 days of receipt of the work. • You comply with all other terms of this agreement for free distribution of Project Gutenberg™ works. 1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project Gutenberg™ electronic work or group of works on different terms than are set forth in this agreement, you must obtain permission in writing from the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, the manager of the Project Gutenberg™ trademark. Contact the Foundation as set forth in Section 3 below. 1.F. 1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread works not protected by U.S. copyright law in creating the Project Gutenberg™ collection. Despite these efforts, Project Gutenberg™ electronic works, and the medium on which they may be stored, may contain “Defects,” such as, but not limited to, incomplete, inaccurate or corrupt data, transcription errors, a copyright or other intellectual property infringement, a defective or damaged disk or other medium, a computer virus, or computer codes that damage or cannot be read by your equipment. 1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the “Right of Replacement or Refund” described in paragraph 1.F.3, the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project Gutenberg™ trademark, and any other party distributing a Project Gutenberg™ electronic work under this agreement, disclaim all liability to you for damages, costs and expenses, including legal fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE PROVIDED IN PARAGRAPH 1.F.3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH DAMAGE. 1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a written explanation to the person you received the work from. If you received the work on a physical medium, you must return the medium with your written explanation. The person or entity that provided you with the defective work may elect to provide a replacement copy in lieu of a refund. If you received the work electronically, the person or entity providing it to you may choose to give you a second opportunity to receive the work electronically in lieu of a refund. If the second copy is also defective, you may demand a refund in writing without further opportunities to fix the problem. 1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth in paragraph 1.F.3, this work is provided to you ‘AS-IS’, WITH NO OTHER WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO WARRANTIES OF MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE. 1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages. If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any provision of this agreement shall not void the remaining provisions. 1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone providing copies of Project Gutenberg™ electronic works in accordance with this agreement, and any volunteers associated with the production, promotion and distribution of Project Gutenberg™ electronic works, harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees, that arise directly or indirectly from any of the following which you do or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg™ work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any Project Gutenberg™ work, and (c) any Defect you cause. Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg™ Project Gutenberg™ is synonymous with the free distribution of electronic works in formats readable by the widest variety of computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from people in all walks of life. Volunteers and financial support to provide volunteers with the assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg™’s goals and ensuring that the Project Gutenberg™ collection will remain freely available for generations to come. In 2001, the Project Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure and permanent future for Project Gutenberg™ and future generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 and the Foundation information page at www.gutenberg.org. Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non-profit 501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal Revenue Service. The Foundation’s EIN or federal tax identification number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by U.S. federal laws and your state’s laws. The Foundation’s business office is located at 809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up to date contact information can be found at the Foundation’s website and official page at www.gutenberg.org/contact Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation Project Gutenberg™ depends upon and cannot survive without widespread public support and donations to carry out its mission of increasing the number of public domain and licensed works that can be freely distributed in machine-readable form accessible by the widest array of equipment including outdated equipment. Many small donations ($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt status with the IRS. The Foundation is committed to complying with the laws regulating charities and charitable donations in all 50 states of the United States. Compliance requirements are not uniform and it takes a considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up with these requirements. We do not solicit donations in locations where we have not received written confirmation of compliance. To SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any particular state visit www.gutenberg.org/donate. While we cannot and do not solicit contributions from states where we have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition against accepting unsolicited donations from donors in such states who approach us with offers to donate. International donations are gratefully accepted, but we cannot make any statements concerning tax treatment of donations received from outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff. Please check the Project Gutenberg web pages for current donation methods and addresses. Donations are accepted in a number of other ways including checks, online payments and credit card donations. To donate, please visit: www.gutenberg.org/donate. Section 5. General Information About Project Gutenberg™ electronic works Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg™ concept of a library of electronic works that could be freely shared with anyone. For forty years, he produced and distributed Project Gutenberg™ eBooks with only a loose network of volunteer support. Project Gutenberg™ eBooks are often created from several printed editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper edition. Most people start at our website which has the main PG search facility: www.gutenberg.org. This website includes information about Project Gutenberg™, including how to make donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.